A partir de quand peut-on se dire écrivain(e) ? Quand on commence à écrire un livre ? Quand on le termine ? Quand on le publie, avec une maison d’édition ou par soi-même ? Quand on en vend le premier exemplaire ? Le centième ? Le millième ? Quand on est lu par des gens qui ne nous connaissent pas ?
Au-delà d’un titre qu’on se donne, quand commence-t-on à se sentir réellement écrivain(e) ?
Dans cet article, je ne chercherai pas à donner une réponse absolue à cette question bien délicate, mais surtout à partager mon propre ressenti. Depuis un mois on me demande souvent : « Alors, qu’est-ce que ça fait d’être publiée ? » et… La réponse est complexe.
(Oui, même si je vous parlais fièrement le mois dernier de ma lutte contre le syndrome de l’imposteur. C’est un travail en cours !)
Se sentir écrivain(e) : En vouloir toujours plus
Ces derniers temps, mes amies d’écriture ont dû me trouver un peu agaçante. Depuis que le projet de publier Le Page de l’Aurore est né, je ne suis jamais satisfaite, il m’en faut toujours plus.
D’abord, je n’ai pas réussi à y croire. Trouver ENFIN une maison d’édition pour mon livre et sans vraiment l’avoir cherchée, c’était trop beau pour être vrai. La maison d’édition n’avait même pas encore d’existence officielle. Je m’attendais à ce que l’éditrice revienne me dire que finalement, ça n’allait pas se faire et qu’on annulait le marché.
Mais ça n’est pas arrivé. Les statuts ont été déposés et Sylphe Rouge est né. Le site web a été lancé, la page Facebook aussi : c’était public, c’était réel.
Ensuite il y a eu les soucis financiers : malgré son existence, la maison d’édition manquait d’argent, et il faut quand même une certaine somme pour lancer la production d’un livre.
Et puis la campagne de crowdfunding a été lancée. Tant bien que mal, même si les objectifs n’ont pas tout à fait été atteints, Sylphe Rouge a pu trouver suffisamment de soutiens pour démarrer la production des premiers livres.
Après, j’ai douté de mon texte : la réécriture à faire était trop ambitieuse, il y avait trop de travail, certains aspects de l’intrigue manquaient de crédibilité. J’avais changé de style par rapport à l’écriture du premier jet et il fallait corriger énormément de chose pour harmoniser le texte, je n’allais jamais arriver au bout…
Et puis j’ai fini mon manuscrit.
Puis la date de sortie a été repoussée par rapport aux prévisions initiales. Les coûts d’achat du papier ont contraint la maison d’édition à attendre que d’autres publications soient prêtes afin de faire des économies sur la production de l’ensemble. J’ai de nouveau eu du mal à me convaincre que le livre allait bel et bien sortir un jour. « Tant que je ne l’aurai pas dans les mains, je n’y croirai pas ! »
Et puis j’ai reçu la maquette du livre. Un imprimeur a été trouvé. Les livres ont été imprimés. J’ai reçu mes exemplaires et j’ai eu mon livre dans les mains.
Mais… Je n’y croyais toujours pas.
Le livre existait, certes, mais il n’avait encore aucun lecteur. Personne ne pouvait se le procurer ni me donner son avis. Je n’avais encore aucun moyen réel de savoir si tout le travail que j’avais fourni depuis des mois et des années avait servi à quelque chose.
Et puis le livre est sorti. De premières personnes l’ont reçu ou acheté. Quelques proches l’ont lu très vite et m’ont dit qu’ils l’avaient apprécié.
…
(Ah non, tout de même ! Encore un « mais » ?)
Mais quand l’avis vient d’un parent ou d’un ami, qui apprécie l’auteur et se montre forcément un peu partial, même si c’est inconscient, est-ce suffisant ?
À la fois oui et non.
Je continue à en vouloir « plus ». Avec les débuts tous discrets de mon livre, forcément, je me compare à ceux qui font plus, ceux qui font mieux et qui, quand même, font plus sérieux. Je ne suis pas dans les rayons des librairies. Je n’ai pas fait de salon, ni de dédicace publique, encore moins de conférence. Je n’ai pas d’article à mon sujet dans la presse. Aucun blogueur n’a chroniqué mon histoire.
En tout cas pas encore.
J’ai bien l’intention que tout ça ne soit qu’une question de temps et que, comme toutes ces autres choses que je croyais impossibles, elles se concrétisent.
Quelque chose commence à arriver, ces jours-ci. Je reçois des retours très positifs – et un peu surpris – de la part de personnes de mon entourage. Comme s’ils avaient entamé mon livre pour me faire plaisir et que finalement, presque malgré eux, l’histoire les avait emportés. Cela me donne le sentiment de ne plus simplement apparaître comme une dilettante, mais d’avoir réellement quelque chose à apporter (un point que je devrais sans doute creuser pour répondre à la question existentielle posée par Julien Hirt dans son dernier article, d’ailleurs). Et avoir des lecteurs à qui je permets de passer un bon moment, c’est un bel accomplissement.
EDIT : quelques mois après la publication de cet article, j’ai finalement fait 2 séances de dédicaces en librairie, dont une a été évoquée dans la presse, et j’en prépare une troisième ainsi qu’un passage en salon. J’ai aussi eu le grand plaisir de recevoir 8 chroniques de blog. Comme quoi… 🙂
La place de l’écriture dans sa vie
Au final, cela fait des années que l’écriture a pris une place prépondérante dans ma vie et je pense que c’est surtout ça qui compte. Aujourd’hui, je suis incapable d’imaginer une existence où je n’essaierais pas tous les jours (ou presque) de gratter quelques mots, de construire des univers, des personnages, et de faire connaître mes livres.
Je veux continuer à m’améliorer (comme j’en parlais avec mes souhaits de livres sur l’écriture) et à me professionnaliser, même si l’écriture n’est pas ma profession principale – et qu’elle ne m’a pour l’instant pas rapporté un centime ^^. Après tout, quand je me lève tôt ou quand je fais l’impasse sur une soirée pour travailler mon texte ou préparer un article, je le fais de plus en plus avec l’impression d’avoir un deuxième métier. Je me suis même fait faire des cartes de visite ! 🙂
Et je pense que c’est ce sentiment de nécessité qui fait l’écrivain(e). Même si on n’écrit pas tous les jours, même si on n’est pas lu par grand-monde. Tant que le virus revient et qu’on a la volonté d’aller plus loin.
Je ne sais toujours pas quoi répondre quand on me demande ce que ça fait d’être publiée et j’ai toujours l’impression d’être là en ovni, mais tant pis. Garder les yeux fixés sur l’objectif, c’est bien, mais regarder le chemin déjà parcouru c’est pas mal non plus.
(Enfin, on en reparlera quand j’aurais vendu mon millième exemplaire 😉 )
J’espère que cet article un peu introspectif et imprévu vous a intéressés. N’hésitez pas à réagir en commentaire !
Crédits image : Kat Stokes on Unsplash
Quel parcours pour ton livre ! Je comprends que tu aies eu des doutes, ça n’a pas été facile de le tenir dans tes mains, mais tu as réussi ! Longue vie à ton roman 🙂
Merci beaucoup !!
C’est un très beau sujet que tu évoques ici. Ca pourrait être inconfortable mais tu y réponds sans faux-fuyants, c’est très agréable.
Je dois dire que je ne m’étais jamais posé la question de savoir à partir de quand je me suis senti écrivain, et ton article me pousse à me demander pourquoi. Après tout, mon activité d’auteur n’occupe qu’une infime partie de mon temps, par rapport à mon métier et à ma famille, il y aurait de quoi douter de ma qualité d’auteur. Au fond, je crois qu’en ce qui me concerne, être auteur n’est pas incompatible avec le dilettantisme, au contraire. En plus, je n’idéalise pas cette activité, ce qui fait que l’idée que je puisse ne pas en être digne ne me traverse pas d’esprit. Dans la mesure où même les mauvais auteurs sont des auteurs, il n’y a rien d’illégitime ou de prétentieux à se définir comme un auteur.
(Merci, j’ai pas mal hésité à publier cet article, je suis soulagée de voir qu’il est bien reçu !)
Je ne sais pas si c’est une question d’être digne ou pas, mais peut-être plus une question de perception par les autres et par moi-même. Est-ce que quand les gens pensent à moi, ils me voient comme écrivaine ? Est-ce que je suis prise au sérieux ? Est-ce que je me perçois différemment moi-même depuis que j’ai publié un livre ?
Mais j’avoue, c’est un peu nébuleux ^^
Très intéressant ton article, ça nous permet de savoir comment ça se passe 😉
Ca fait depuis que je suis petite que j’écris. D’abord c’était pour légender mes dessins puis finalement l’écriture le a remplacés entièrement. Je me sens écrivain dans le sens où depuis petite je sais que je veut l’être, mais je pense que je me sentirais vraiment auteure quand j’aurais mon premier livre publié en main et quand je rencontrerais des étrangers qui ont lu mon livre.
Effectivement je crois que le fait de commencer à être lu par des personnes qu’on ne connaît pas (et qui ne sont même pas des amis d’amis), ça doit faire quelque chose !
Chouette article.
J’avoue que la recherche de la reconnaissance me poursuit, à chaque fois que je termine une nouvelle.
Ca ne s’arrête jamais OK !
Maintenant que je le sais, je vais pouvoir emmerder le monde avec mes histoires en me disant que finalement, c’est normal ^_^
Eh oui je crois que malheureusement, on est condamnés à traîner ce boulet pendant quelques années 😅 merci pour ton commentaire !
Un article plutôt intéressant, déjà félicitations pour tout ce long parcours qui ressemble à un chemin de croix ahah ! Moi, je suis prof et fofolle pour le public, et pour mon compagnon et mon chat, écrivaine à part entière 🙂 ! Sinon, pour de vrai, je suis au stade de nouvelles seulement, et à partir du moment où j’aurai enfin terminé un écrit plus long, je commencerai à réfléchir à mon statut quand j’aurai des lecteurs qui ne sont ni mes amis, ni ma tante 🙂 ! Belle journée à toi et bon courage !
Merci beaucoup ! Effectivement ça fait vraiment quelque chose quand des personnes nous lisent sans être une connaissance ou un ami d’ami. Bonne chance à toi aussi dans ton parcours 🙂
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