Comment construire des personnages de romans crédibles, complexes et attachants ? Comment créer des personnalités à partir de rien ? En général, la méthode recommandée est de remplir une fiche de personnage, une liste de caractéristiques avec un peu de backstory.
Mais souvent, surtout chez les auteurs débutants, cette méthode un peu trop superficielle aboutit à des défauts dans la caractérisation. Les personnages sont tous trop parfaits, ou trop caricaturaux, ou bien se distinguent difficilement les uns des autres. Et c’est d’autant plus dommage que les personnages sont au cœur du récit, essentiels pour créer l’attachement du lecteur. Alors, comment faire pour créer des bons personnages ?
Le rôle des archétypes pour construire des personnages complexes
Le réseau de personnages
Dans son livre L’Anatomie du Scénario, John Truby souligne l’importance de ne pas créer le protagoniste ou l’antagoniste de façon isolée, mais de considérer l’ensemble du réseau des personnages, dont tous les membres doivent être connectés.
Son idée est de définir le protagoniste par des comparaisons, par les contrastes qui l’opposent aux autres personnages et par les relations qui les relient.
Ces contrastes se manifestent notamment par le biais des archétypes.
En psychologie, d’après Carl Jung (et les définitions d’Antidote), un archétype est un « symbole primitif, un contenu de l’inconscient collectif qui se retrouve dans l’imaginaire d’un individu, les productions culturelles d’un peuple ».
Si comme moi, vous n’avez pas tout compris, Truby les définit comme « des modèles psychologiques fondamentaux de la personnalité« . Ils se manifestent comme des rôles que les personnages incarnent dans la société, avec une façon particulière d’interagir avec les autres, mais aussi une part d’ombre et de faiblesse psychologique particulière.
Les archétypes ont une portée universelle, dans le sens où ils ne relèvent pas d’une culture particulière.
Lire aussi : Comment structurer son roman selon John Truby
Archétypes vs stéréotypes
Toutefois, attention. La force de l’archétype, c’est-à-dire le fait de pouvoir être facilement reconnaissable, constitue aussi sa faiblesse. Utilisé sans nuance, l’archétype se transforme facilement en stéréotype ou en cliché.
Afin de contourner ce problème, il est essentiel d’enrichir son personnage de détails concrets qui permettront de le rendre plus réaliste, ou de contrebalancer son côté archétypal par quelques détournements et surprises. Par exemple, Dumbledore ressemble beaucoup à Gandalf et à Merlin, mais son goût pour les robes violettes à étoile et pour les bonbons moldus n’appartient qu’à lui.
Il est aussi possible de cumuler plusieurs archétypes en un seul personnage (par exemple, Aragorn correspond à la fois au Roi et au Guerrier ; Merlin est aussi bien le Mentor que le Magicien).
Les archétypes de personnages selon John Truby
Voici les archétypes que John Truby présente dans L’Anatomie du Scénario. Ils peuvent s’adapter à des personnages masculins ou féminins.
Le roi ou le père
Cet archétype est caractérisé par sa sagesse et sa détermination. Il règne, littéralement ou symboliquement, sur son peuple, sa famille ou son groupe. Son objectif est de permettre à ses « sujets » de s’épanouir.
Sa version négative est celle de l’oppresseur, celui qui force les autres à vivre selon des règles strictes ou les soumet à son propre plaisir. Il peut être coupé de ses émotions.
La reine ou la mère
Comme le roi, la reine veut permettre à son peuple ou à ses enfants de s’épanouir. Elle se distingue par l’attention protectrice qu’elle leur porte.
Sa version négative est tyrannique : son besoin de contrôle et sa possessivité deviennent maladifs. Elle joue sur la culpabilité et la honte pour garder ses enfants auprès d’elle.
(Si on pense à un personnage comme Cersei Lennister, le côté tyrannique peut aussi s’exprimer contre ceux qui menacent ses enfants).
Le vieillard sage, le mentor ou le professeur
Il détient la sagesse et le savoir, mais surtout les transmet pour aider les individus et la société à évoluer.
Sa version négative est celle du gourou, celui qui pousse ses disciples à ne suivre qu’un seul schéma de penser ou à lui vouer un culte, en annihilant leur esprit critique.
Le guerrier
C’est le champion du Bien, celui qui va physiquement défendre la bonne cause.
Sa version négative est celle du surhomme, celui qui croit que tout ce qui est faible doit être détruit ou bien se transforme en machine à tuer – ce qui l’amène du côté obscur.
Le magicien ou le shaman
C’est celui qui voit au-delà des perceptions sensibles et rationnelles, celui qui maîtrise les forces obscures, cachées ou mystiques.
Sa version négative est celle du mage noir, un personnage capable d’asservir les autres et déterminé à le faire, au risque de détruire l’univers. Il peut aussi manipuler la réalité (coucou Scarlet Witch).
Note : à défaut de pouvoirs magiques, le magicien peut avoir une intelligence supérieure aux autres, comme Sherlock Holmes.
Le rusé (Trickster)
Dérivé du magicien, le rusé se caractérise par sa ruse (merci captain obvious), son charisme et son talent de persuasion.
Sa version négative est celle du menteur, celui en qui plus personne ne peut avoir confiance et qui n’agit que dans son propre intérêt.
« Trickster » est le surnom de Loki dans la mythologie nordique (Thor étant, lui, un Guerrier).
L’artiste ou le clown
C’est celui qui a une vision, une idée de l’avenir tel qu’il pourrait ou devrait être, et la partage avec son peuple. C’est aussi celui qui révèle la vérité cachée sous les apparences.
Sa version négative est soit celle du cynique, qui n’accorde plus de valeur à rien, soit celle du marionnettiste qui veut contrôler tous les autres.
(Pensée émue pour le merveilleux personnage du Fou chez Robin Hobb ♥)
L’amoureux
C’est une figure aimante, qui apporte compréhension et sensualité à l’objet de ses attentions.
Sa version négative (dont ont souffert beaucoup de personnages féminins), c’est le faire-valoir qui reste dans l’ombre et ne vit que par et pour l’autre.
Le rebelle
C’est l’audacieux, celui qui ose sortir des carcans traditionnels, agir se soulever, lutter contre l’oppression.
Sa version négative, c’est le destructeur, celui qui n’a pas de meilleure option à proposer et se contente de tout ravager.
Utiliser des archétypes différents pour chacun de vos personnages vous aidera à bien les distinguer les uns des autres. Par exemple, une héroïne reine-magicienne avec un rebelle-guerrier comme antagoniste. Ou un héros artiste-amoureux opposé à une mère-mentor.
Pour aller plus loin et étudier d’autres possibilités d’archétypes, j’étudierai dans de prochains articles les profils du test MBTI et d’autres modèles.
Avez-vous déjà utilisé ce type d’archétypes dans vos romans ? Dites-moi lesquels en commentaires !
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