Comment rendre un personnage de roman attachant ? Cet exercice est essentiel pour faire éprouver des émotions à vos lecteurs et leur donner envie de s’intéresser à l’histoire jusqu’au bout. Personnellement, je pourrais lister des tas de livres qui m’ont laissée de marbre parce que je me fichais éperdument de ce qui pouvait arriver au héros ou à l’héroïne. Mais comment savoir si vous êtes tombé dans cet écueil ? Voici quelques tests à faire passer à vos personnages pour savoir s’ils vont retenir l’attention des lecteurs.
1. Le personnage est trop parfait
Vous la connaissez sûrement. Cette héroïne a tout pour elle : elle est belle, intelligente, drôle, astucieuse, forte, pure, elle n’a peur de rien, tous les autres personnages l’admirent ou sont amoureux d’elle, elle a toujours raison, elle réussit tout ce qu’elle tente et elle maîtrise la Force des pouvoirs surnaturels sans même avoir eu à s’entraîner.
On l’appelle la Mary-Sue (ou Gary-Stu, pour les personnages masculins).
Et aux yeux des lecteurs, elle est parfaitement insupportable.
Eh oui : contrairement à ce qu’on pourrait croire, les personnages parfaits ne sont pas très intéressants.
En effet, ils limitent énormément l’émotion et l’investissement que le lecteur va ressentir. S’ils réussissent tout le temps, comment s’inquiéter de ce qui risque de leur arriver ? La fin est écrite d’avance. S’ils sont si parfaits, comment éprouver de l’empathie à leur égard ? Ils sont tellement invincibles et au-dessus de tout reproche que c’est impossible pour le lecteur de s’identifier à eux.
Il est beaucoup plus facile de s’attacher à un personnage imparfait et vulnérable, que ce soit parce qu’on compatira à ses problèmes ou parce qu’on aura envie de l’aider, comme un pauvre chaton abandonné sous la pluie.
Même les héros qui semblent être des surhommes ont des failles : Superman a la kryptonite, James Bond et Batman sont orphelins, Sherlock Holmes est toxicomane et asocial.
>> Pour rendre votre personnage plus attachant, assurez-vous donc qu’il ait des handicaps et des défauts – voire que ces défauts s’appuient sur une blessure psychologique dans leur passé.
2. Le personnage n’a que des défauts
Ne forcez pas trop le trait non plus.
Qu’il s’agisse d’un antagoniste cruel, bête et difforme, ou bien d’un protagoniste qui n’est doué en rien, un personnage qui n’a que des défauts aura bien du mal à à attirer la sympathie de vos lecteurs.
L’antagoniste, d’une part, est lui-même le héros de sa propre histoire. Il ne se perçoit pas comme un « méchant » : il agit pour certaines raisons qui, à ses yeux, justifient ses crimes. C’est un être humain (ou autre, si vous êtes dans les genres de l’imaginaire) comme les autres : il a peut-être une famille, des amis, des passions. Montrer ses justifications le rendra bien plus complexe et plus intéressant aux yeux du lecteur.
L’antagoniste sera aussi d’autant plus redoutable qu’il est puissant. Pensez à Sauron ou à Dark Vador : ils n’auraient pas du tout la même aura si on avait l’impression que Frodo ou Luke Skywalker pouvaient les battre facilement.
Quant à votre protagoniste, il est important qu’il ne soit pas complètement démuni, mais qu’il ou elle ait aussi des compétences et des talents qui lui permettront de se sortir de mauvaises passes. Même – voire surtout – si ces talents ne paraissent pas directement utiles pour l’intrigue. Par exemple, Bilbo le petit Hobbit ne semble pas du tout taillé pour l’aventure – pourtant, son ingéniosité face aux énigmes de Gollum et sa petite taille auront un très grand impact sur ses aventures.
À l’inverse, si le héros est complètement empoté et se contente de laisser les autres personnages le tirer d’affaire, il risque de laisser vos lecteurs assez indifférents.
Enfin, selon le thème de votre histoire, votre héros pourra aussi être animé par des valeurs nobles (l’altruisme, la justice, etc.) qui donneront envie aux lecteurs de le voir triompher.
>> Avez-vous déjà eu l’impression que certains personnages secondaires étaient plus attachants et charismatiques que votre héros ? Alors travaillez sur ses qualités et ses talents !
3. Le personnage n’a pas d’objectif connu du lecteur
Pour qu’un protagoniste soit actif au cours de l’histoire et fasse avancer l’intrigue, il est important de lui donner un objectif : se venger, détruire l’Anneau, renverser le Seigneur des Ténèbres, trouver l’amour, accomplir une quête, sauver quelqu’un, s’échapper ou fuir quelque chose, etc.
Sans cela, il aura tendance à se laisse porter par les événements, ce qui n’est pas très excitant à lire.
Un autre écueil est de faire tergiverser votre personnage entre plusieurs objectifs possibles pendant la majorité de l’histoire. Je parle de ce problème en connaissance de cause, car c’est ce qui a été reproché à mon héroïne dans la première version de mon roman Météorites : à la moitié de l’intrigue, elle n’avait toujours pas de but clair. Elle se contentait de réagir à ce qui lui arrivait en s’en sortant le moins mal possible, mais sans espérer d’issue particulière.
Ce manque d’objectif prive l’histoire d’une direction, d’une destination à atteindre. Tandis que si l’objectif est clairement identifié, le lecteur ne sera pas tranquille tant qu’il n’aura pas de réponse à la question dramatique : « est-ce que le héros va réussir ? ».
Il est tout aussi important que l’objectif soit clairement exprimé, afin que le lecteur en soit conscient. À mes yeux, il n’y a pas grand-chose de plus frustrant que de lire les aventures d’un personnage qui cherche à atteindre un but, mais où l’auteur choisit de préserver un « mystère » bien superflu en n’explicitant pas cet objectif. Comme on ne sait pas ce que désire le héros, ni pourquoi, eh bien… On s’en fiche un peu, qu’il réussisse ou non.
(Oui Le Pistolero, c’est de toi que je parle).
4. Le personnage n’évolue pas
« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », disait Albert Einstein. Il en va de même pour vos personnages.
Que le héros tire des leçons des épreuves qu’il traverse pour apprendre à agir autrement afin de vaincre l’antagoniste, ou bien qu’il ressorte transformé de la confrontation finale, il est intéressant de voir vos personnages évoluer.
Comme l’explique Yves Lavandier dans La Dramaturgie, il est d’autant plus satisfaisant de voir un personnage changer pour devenir une meilleure personne… Que ça nous est difficile, à nous, dans la vraie vie. La fiction nous permet de continuer à croire qu’il est possible d’évoluer et de s’améliorer. Si votre histoire s’y prête, ne privez donc pas vos personnages de cette opportunité.
À l’inverse, un personnage qui reproduit toujours les mêmes erreurs pourra devenir agaçant (sauf si ces erreurs empirent progressivement et que votre personnage a un arc narratif négatif qui le conduira à sa chute).
>> À lire aussi : Qu’est-ce qu’un arc narratif de personnage ?
5. La narration est trop distante
C’est une chose dont je fais actuellement l’expérience à travers trois romans que j’ai lus ou suis en train de lire : Porcelaine, d’Estelle Faye, Satinka, de Sylvie Miller et Les Six Cauchemars, de Patrick Moran.
Dans ces trois cas, la narration qui est utilisée est une narration omnisciente, distante, qui passe fréquemment d’un personnage à l’autre et s’attarde peu sur les émotions et les ressentis du protagoniste. Ce sont aussi des narrations qui, notamment dans le cas de Satinka, racontent l’histoire beaucoup plus qu’elles ne la montrent.
En voici un exemple :
Il n’y avait aucun membre de la famille du côté maternel : Deirdre Boyd était file unique et elle s’était fâchée avec ses parents avant la naissance de Jenny. Celle-ci ne connaissait absolument rien de cette branche de son arbre généalogique. Toute petite, les quelques fois où elle avait tenté de poser des questions, elle s’était fait rabrouer et avait vite fini par renoncer. Jenny repensa à son enfance. À cause de ses rêves, elle avait grandi sous un strict contrôle maternel, chacun de ses gestes étant décortiqué et critiqué. La petite fille qu’elle était alors en avait conclu que sa mère détestait tout ce qui touchait, de près ou de loin, à l’étrange et au mystère. Deirdre lui avait inculqué que le monde serait dangereux pour elle si elle se faisait remarquer par le moindre comportement sortant de l’ordinaire. C’était irrationnel, mais cette peur s’était ancrée en elle au point de modeler tous ses actes comme une sorte de tabou, d’interdit absolu. À force de se taire et de vouloir paraître « normale », elle était devenue solitaire, renfermée, un peu à part. Et elle en avait souffert.
Satinka, Sylvie Miller
Dans cet exemple, on nous dit directement ce que ressent l’héroïne au lieu de nous montrer les scènes de son enfance ou bien la façon dont ses actes traduisent ses croyances profondes (ce qui prendrait évidemment bien plus de temps). Là, on a un peu l’impression de lire une fiche de personnage.
Le résultat, c’est que ce type de narration est beaucoup moins immersif et implique moins le lecteur dans ce qu’il se passe. On a la sensation d’observer les événements et les personnages de loin, sans être mêlé à ce qui leur arrive.
Au contraire, les narrations plus focalisées, notamment en point de vue profond (à la 1ère ou la 3e personne) permettent de suivre l’action « en temps réel » et d’être bien plus touché par ce que vivent et ressentent les personnages.
>> À lire aussi : Les différents types de narration du roman
J’espère que ces réflexions vous aideront dans la construction de vos personnages.
Si vous avez la sensation qu’ils ne cochent pas toutes les cases, ne paniquez pas ! Ce ne sont pas des conditions indispensables au succès de votre roman et c’est normal de ne pas tout prendre en compte d’un seul coup 🙂 La narration omnisciente, par exemple, correspond à un choix qui peut être tout à fait légitime et apporter d’autres qualités au roman. Tout dépend de l’effet qu’on veut produire sur le lecteur.
Vous souhaitez rendre les personnages de votre roman plus attachants ? Identifiez l’élément qui, selon vous ou vos bêta-lecteurs, fait le plus défaut à l’un de personnages et commencez par ça. Puis passez à un autre élément, ou un autre personnage. Et ainsi de suite.
>> Partagez-moi en commentaire ce qui manque le plus à vos personnages aujourd’hui et comment vous allez résoudre le problème !
Mais il est chouette Porcelaine ;w;
Après la narration omnisciente je pense que ça varie (Tolkien a tendance à plus l’utiliser). C’est sûr qu’une narration interne arrivera toujours à mieux intéresser pour suivre les personnages pas pour rien que des romans Young Adult ou de jeunesse ayant eu énormément de succès mais je pense que ce n’est pas le plus déterminant. Enfin dans le sens que c’est bien pour ça que tu le mets en cinquième, si les autres points pêchent on aura beau avoir une narration interne rien n’y fera.
J’ai en tout cas pris plaisir à lire cet article, pour tes conseils et aussi que ça me rassure de voir que je ne fais pas trop d’erreur comme je suis en train de reprendre une histoire et donc la façon d’aborder et faire évoluer mes personnages. Merci à toi ma Aramis <3
Je dis pas qu’il est pas chouette, je dis juste que j’ai pas aimé 😉
Et oui évidemment, l’aspect narration vient après tous les autres ! Mais j’y suis de plus en plus sensible, donc je tenais à le mettre. Merci pour ton message ♥
Oui je sais mais mon petit cœur a eu un serrement comme c’était un de mes coups de cœur de mon été 2018 (mais si vain par rapport à d’autres beaux souvenirs huhuhuhu). Mais les goûts et les sensibilités sont plurielles 😉
Bien sûr et je pense que c’est bien à cause du travail de la narration que La Horde du Contrevent est aussi viscérale malgré ses défauts. Après je pense que toute la difficulté est de trouver l’équilibre de la bonne narration pour servir au mieux l’histoire et rendre les personnages attachants. De rien mon hérisson. Au plaisir de continuer à te lire.
Oui c’est certain, il n’y a pas UNE narration qui serait meilleure que les autres, quelle que soit l’histoire ♥
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