Comment construire un univers imaginaire complexe, cohérent et convaincant ?
Pour répondre à cette question, je poursuis ma série sur l’ouvrage d’Orson Scott Card, Comment écrire de la fantasy et de la science-fiction (paru chez Bragelonne).
Retrouve le premier article de la série : Comment écrire de la fantasy et de la SF (1/5) : Genres littéraires
Créer un univers imaginaire
O.S. Card insiste sur l’importance de bien maîtriser son univers et d’en fixer les règles fondamentales pour écrire une histoire qui ait du sens.
Sa technique imparable pour développer ses idées d’univers est d’évaluer chaque élément à travers trois/quatre questions : “Pourquoi ?” (dans le sens “à la suite de quel événement” ET “avec quelle intention”), “Comment ?” et “Avec quelle conséquence ?”, pour rendre l’univers plus complexe et plus abouti.
Voyager dans l’espace
Il s’attarde notamment sur la question du voyage interstellaire en SF : les personnages ont-ils contourné la barrière de la vitesse de la lumière pour passer d’une planète à l’autre, et si oui comment ?
La réponse à ces questions est déterminante pour le type d’histoire qu’on veut raconter, surtout si elle évoque justement ce type de voyage. Prend-il quelques secondes, quelques heures, plusieurs mois ou bien des générations entières ? Quel est le carburant utilisé ? Si le voyage dure plusieurs siècles, les passagers vont-ils vivre et mourir à bord ou bien attendre tranquillement l’arrivée en état de cryogénisation ? Peut-on revenir en arrière facilement ? Peut-on communiquer avec la planète qu’on a quittée ?
O.S. Card fait le parallèle avec les voyages entre l’Europe et l’Amérique. Au XVIe siècle, c’était un périple dangereux qui prenait des mois, dont beaucoup ne revenaient jamais. Au XIXe siècle, avec les navires à vapeur, les conditions restaient difficiles, mais le voyage était devenu plus rapide et plus sûr. Aujourd’hui, le trajet en avion ne prend que quelques heures et ne présente aucun risque. Peut-être que dans quelques années, en revanche, le prix du carbone rendra à nouveau cette traversée plus rare.
Selon que le voyage est plus ou moins facile, l’attitude des voyageurs à l’égard de leur destination sera très différente.
Voyager dans le temps
Le voyage temporel offre lui aussi de très nombreuses variantes qui seront structurantes pour l’histoire.
Quand on revient en arrière, peut-on effectuer des changements sans risquer de détruire la société d’où on vient ? L’Histoire va-t-elle se remettre d’elle-même sur les rails ? Est-on visible des gens du passé ou non ? Est-ce qu’on s’incarne dans l’un d’eux ? Est-ce qu’on peut revenir à une ancienne version de soi-même ?
Le prix de la magie
Conformément à la deuxième “loi de la magie” de Brandon Sanderson : « les contraintes sont plus importantes que les capacités. » (ces lois sont expliquées sur le blog de Stéphane Arnier).
Ce qui veut dire que ce qui fait l’intérêt d’un système de magie, ce sont ses limites.
Là encore, O.S. Card déroule le fil de ses idées en imaginant que le prix de la magie soit la perte d’une partie du corps.
[TW : le paragraphe suivant est un peu sanglant 😅.]
Quelle partie du corps ? Est-ce qu’on perd d’abord des phalanges, des orteils, etc. ? Est-ce que cette perte est instantanée, ou est-ce que le magicien ne peut lancer un sort que pendant qu’on lui coupe un bras ? Est-ce qu’il peut utiliser les parties du corps d’une autre personne ? Est-ce que cette personne doit être volontaire ? Est-ce que le magicien sait sur quelle personne ça va tomber ? Est-ce que le sort est plus puissant si le magicien connaît et aime la personne concernée ? 😈
L’origine des espèces
Toujours en lien avec la série de questions “Pourquoi / avec quelle conséquence ?”, O.S. Card propose une petite minute Darwin où il recommande de s’intéresser de près à l’évolution des espèces – notamment extraterrestres.
Autrement dit : comment s’expliquent leurs traits qui diffèrent des nôtres ? Quels aspects de leur environnement ont conduit à cette évolution, et par quel procédé ? Quelles en sont les variantes ?
N’est pas Tolkien qui veut
O.S. Card s’intéresse ensuite au langage des mondes imaginaires, en proposant quelques règles de bon sens :
- Ne pas aller jusqu’à inventer toute une langue, avec son vocabulaire, sa syntaxe et sa grammaire, parce que c’est interminable, peu intéressant pour les lecteurs, et facilement ridicule si on n’est pas linguiste
- Ne pas créer gratuitement des mots qui veulent désigner des choses déjà connues. Par exemple, si les extraterrestres mangent du pain qui a l’aspect, le goût et la texture du pain, appeler ça du pain. En revanche, si c’est un pain bleu qui donne des pouvoirs télépathiques, c’est OK de lui trouver un nom particulier
- Ne pas balancer des mots inventés sans les traduire, ou au moins les rendre très explicites par leur contexte
- Faire attention à ce que les mots qu’on invente soient prononçables, éviter les accumulations de consonnes et d’apostrophes
Rendez-vous dans le prochain article pour aborder la construction d’un récit 😊 : Comment écrire de la fantasy et de la SF (3/5) : Construire le récit
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