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La gestion des bêta-lecteurs, vue par Jenna Moreci

    Comment tirer parti de ses bêta-lecteurs pour corriger son roman et écrire le meilleur livre possible ?

    Jenna Moreci est une autrice américaine dont la chaîne Youtube regorge de conseils d’écriture drôles et passionnants, comme les 10 pires clichés en romance, les 10 pires types de personnages masculins, ou les 10 pires types d’auteurs.

    Comme beaucoup d’auteurs anglo-saxons, elle considère qu’un bon roman est avant tout un roman qui va être lu et apprécié par un maximum de lecteurs. Tout son processus d’écriture est donc orienté autour de l’importance d’accrocher l’attention du lecteur et de le garder captivé tout du long, avec une histoire à la fois originale et fidèle aux codes du genre, des enjeux clairs, etc. Elle est aussi convaincue de l’importance de « tester » son roman auprès de nombreux bêta-lecteurs avant de le soumettre au grand public, afin d’avoir un maximum de retours et de s’assurer que son texte plaît. Elle a donc mis au point un processus de gestion des bêta-lecteurs très complet, que je vais vous détailler dans cet article.

    Les anglophones peuvent accéder directement aux vidéos par ici, aussi par ici, encore par ici, et même par là.

    Pour un rappel sur ce que sont les bêta-lecteurs et sur leur rôle, je vous renvoie à mon article Ecriture : Le rôle des bêta-lecteurs

    Ecriture et correction d'un roman : Comment gérer ses bêtas-lecteurs d'après la romancière américaine et Youtubeuse Jenna Moreci

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    La bêta-lecture : Un processus exigeant

    La première chose qui m’a frappée quand j’ai découvert sa méthode, c’est que je l’ai trouvée très exigeante et chronophage pour l’auteur ! C’est une méthode qui a beaucoup d’intérêt mais que je vois comme un idéal : pour des écrivains qui n’ont pas 100% de leur temps à consacrer à leur roman, ça prendrait trop de temps de suivre ses conseils à la lettre. Néanmoins, Jenna Moreci propose des petites alternatives qui permettent de respecter l’esprit du processus sans le suivre totalement.

    Comme toujours, c’est à chaque auteur de voir ce qui lui convient parmi ce panel de propositions..

    Le recrutement des bêta-lecteurs

    La première chose à faire est de trouver des cobayes 😉 Il s’agit de personnes qui vont lire votre manuscrit gratuitement et vous donneront leur avis. Il est important d’en recruter un certain nombre, pour comparer leurs opinions, et de bien les choisir. Et mieux vaut leur soumettre votre texte avant de l’envoyer à un éditeur, car les bêta-lecteurs vont identifier un grand nombre de choses à corriger. Ne leur infligez pas non plus un premier jet à peine dégrossi : prenez le temps de faire vous-même une sérieuse relecture, puis lorsque où vous considérez que vous avez fait de votre mieux pour votre texte et que vous ne pouvez plus l’améliorer sans aide extérieure, recrutez vos bêtas.

    Pour réaliser le recrutement proprement dit, le plus simple est de passer par les réseaux sociaux (vous pouvez par exemple poster un message sur Twitter en demandant gentiment à @CommuAuteurs de le partager) ou par des forums spécialisés comme Cocyclics si vous écrivez de l’imaginaire. Il n’est pas nécessaire d’avoir des qualifications particulières pour être bêta-lecteur, au contraire : il faut juste aimer lire.

    Il peut être préférable de viser des personnes qui aiment le genre de votre roman. Si vous écrivez de la SF dystopique très sombre, peut-être qu’un amateur de romances historiques ne sera pas le mieux placé pour apprécier votre texte. Vous, vous voulez avant tout séduire les fans de SF dystopique, donc c’est eux que vous devez interroger. N’hésitez pas en revanche à varier les âges, genres, nationalités etc. de vos bêta-lecteurs pour recevoir des avis divers.

    Postez un message en présentant rapidement le genre de votre roman, son public cible, sa longueur, et la façon dont vous souhaitez procéder pour recueillir les avis. Entre l’auteur et le bêta-lecteur se noue un contrat officieux : le bêta est bénévole et donc libre de lire ou non votre manuscrit, de prendre son temps, et même de laisser tomber. Donc si vous voulez que l’exercice aboutisse, mieux vaut clarifier vos « exigences » dès le début pour que les personnes que vous recrutez sachent dans quoi elles s’engagent (process, délai, format, niveau de détail) – sinon, c’est une perte de temps pour tout le monde.

    Jenna Moreci recommande de recruter 20 personnes au minimum (répartis en deux cycles de 10) et va elle-même jusqu’à 40 : vous n’êtes pas obligé d’aller jusque là, mais ça permet de donner un bon panel d’opinions.

    Elle demande quelques informations à ses bêta-lecteurs : nom, âge et genre (pour déterminer s’ils correspondent au public cible, même si ce n’est pas obligatoire), adresse email et profils sur les réseaux sociaux (pour les contacter et avoir un aperçu de leurs centres d’intérêts), pourquoi ils souhaitent être bêta-lecteurs, et leurs genres préférés.


    Prendre la température : récolter les avis des lecteurs

    Vous pouvez envoyer votre texte soit chapitre par chapitre, soit partie par partie si les chapitres sont courts (moins de 3000 mots environ). Envoyer tout le livre d’un coup est vraiment déconseillé : vous risquez d’avoir des retours très superficiels et imprécis, qui ne vous permettront pas de savoir quels éléments vous devez modifier ni comment.

    Déterminez avec votre bêta-lecteur le temps que vous lui allouez pour lire chaque section : Jenna Moreci envoie un chapitre à la fois, se permet une petite relance au bout d’une semaine… et commence à chercher un remplaçant après deux semaines. Si un bêta-lecteur ne vous répond plus, c’est que votre livre ne l’intéresse pas, inutile d’insister.

    Une fois la section lue viennent les questions – le plus tôt après la lecture, le mieux. Pour cela, plusieurs méthodes : soit vous envoyez un questionnaire par email que le lecteur remplit et vous renvoie, soit vous l’interviewez en direct via une messagerie instantanée comme WhatsApp ou Messenger pour lui demander comment s’est passée sa lecture. Une fois les réponses reçues, envoyez le chapitre ou la partie suivante, et recommencez jusqu’au bout du livre (ou jusqu’à ce que votre bêta abandonne).

    La méthode de l’interview (recommandée par Jenna Moreci) a l’avantage de donner des retours moins filtrées et plus détaillées, ne serait-ce que parce que vous pouvez tout de suite demander des explications ou approfondir un point. De plus, l’expérience est plus amusante pour le bêta-lecteur : ce n’est pas un devoir à rendre, mais une simple conversation. C’est évidemment une méthode très chronophage mais elle mérite vraiment d’être tentée dans la mesure du possible, surtout pour les premiers retours.

    Tous les bêta-lecteurs ne se valent pas : certains ne donnent que des réponses monosyllabiques, ou mettent une éternité à répondre. Jenna Moreci « teste » ses lecteurs avec les 3 premiers chapitres du livre, pour voir si le process fonctionne bien pour eux, et sinon leur proposer d’arrêter.


    Quelles questions poser à son bêta-lecteur ?

    L’intérêt est d’avoir son opinion, il vaut donc mieux poser des questions neutres et ouvertes (auxquelles on ne répond pas par oui ou par non) : quelle partie, quel personnage, quelle scène a-t-il préféré ? Y a-t-il des choses qu’il n’a pas aimées, lesquelles, et pourquoi ? Y avait-il des passages ennuyeux ou incompréhensibles ? Pourquoi ? Si votre intrigue s’appuie sur du mystère, pour un roman policier par exemple, c’est aussi important de demander à votre bêta quelles sont ses théories pour la suite. N’hésitez pas à réclamer des détails : une réponse d’un paragraphe par question, idéalement (même si bien sûr les « je ne sais pas » ou « je n’ai pas d’avis » sont légitimes). Et surtout, les réponses doivent être sincères.

    Enfin, vous pouvez demander une note sur 5 ou 10 pour avoir une idée de l’ampleur des corrections nécessaires. Dans tous les cas, soyez préparés à recevoir des critiques : vos bêta-lecteurs sont là pour ça et c’est ce qui est utile ! Si ses retours ne sont pas clairs, vous pouvez échanger avec lui pour les clarifier, mais veillez à rester aimable 😉 

    Voici le détail des questions posées par Jenna Moreci :

    • Quelles sont tes premières réactions ?
    • Quelles ont été ta ou tes parties favorites ? Pourquoi ?
    • Quelles ont été la ou les parties que tu as moins aimées ? Pourquoi ? Y a-t-il des personnages que tu n’as pas aimés, et pourquoi ? As-tu identifié des erreurs ?
    • Que penses-tu du personnage principal dans ce chapitre ? Pourquoi ressens-tu ça ?
    • Qu’as tu pensé de la scène […] ? (en précisant la scène en question, bien sûr)
    • Pourquoi penses-tu qu’il s’est passé […] ? (si par exemple un personnage réagit de façon inattendue)
    • Y avait-il des parties qui n’étaient pas claires ?
    • Sur une note de 1 à 10, à quel point est-ce que ce chapitre t’a plu ?
    • As-tu des prédictions ou des théories ?

    Et en bonus, à la fin du roman, vous pouvez ajouter des questions particulières comme :

    • Sur une note de 1 à 10, à quel point est-ce que ce roman t’a plu ?
    • Si tu n’as pas mis 10, qu’est-ce qu’il aurait fallu pour que tu mettes cette note ?
    • Quelles ont été tes parties préférées ?
    • Penses-tu que l’histoire est prévisible ?
    • À quel genre penses-tu que ce roman appartient ?
    • À quels livres / films / séries est-ce que tu le comparerais ?
    • Qui serait selon toi le public cible pour ce livre ?
    • Est-ce que tu recommanderais ce livre à un ami ?

    Analyser les retours des bêta-lecteurs

    Jenna Moreci recommande de faire travailler les bêtas par cycles : elle fait lire son livre à 10 personnes, le corrige, le fait lire à 10 autres, le recorrige, etc. Entre chaque cycle, il est intéressant de rassembler tous les retours et de voir si des tendances s’en dégagent (positives ou négatives).

    Plusieurs méthodes possibles : soit vous créez un document Word par section et vous y sauvegardez tous les retours de vos différents lecteurs pour les comparer entre eux, soit vous faites un document par personne. Pour vous y retrouver entre les compliments, les critiques, les questions et les énigmes résolues trop tôt, vous pouvez utiliser un code couleur en surlignant le texte. La lecture est forcément une expérience subjective : ce n’est pas grave si une seule personne a un souci avec un point, mais à partir de 3 personnes sur dix qui font la remarque, ça mérite de s’y arrêter.

    Au fil des cycles, le processus de bêta-lecture peut devenir moins détaillé, vous pouvez envoyer de plus grandes portions du livre à la fois et privilégier les questionnaires aux interviews. C’est aussi l’occasion, maintenant que vous avez une bonne idée de ce qui plaît dans votre histoire, de poser des questions plus précises sur les éléments qui doivent encore être analysés.

    Jusqu’où continuer tous ces cycles ? Jusqu’à ce que vous – et vos lecteurs – soyez satisfaits ! Jenna Moreci en fait elle-même au moins 4. Si la majorité des retours s’accordent à apprécier votre histoire, c’est que c’est bon, et que votre roman est mûr pour être présenté à des maisons d’édition.


    J’espère que ce (long) article vous aura été utile et que vous rencontrerez plein de merveilleux bêta-lecteurs 🙂

    Crédits image : votre roman avant et après le passage des bêtas-lecteurs, vu par Dietmar Becker on Unsplash

    19 commentaires sur “La gestion des bêta-lecteurs, vue par Jenna Moreci”

    1. Waoh, quel processus !
      Merci pour l’article, c’est très intéressant… même si en effet, ça parait hyper chronophage ! Est-ce qu’elle dit combien de temps dure ce processus pour elle ? Si elle fait 4 cycles avec 10 personnes, en envoyant chapitre par chapitre, ça doit prendre des mois, voire des années !
      Là où je suis plus sceptique, c’esr que dans le questionnaire, on ne parle que de l´histoire et des personnages, mais jamais du style d’écriture… c’est sûrement très anglo-saxon comme point de vue, mais pour moi c’est important de demander aux bêta-lecteurs ce qu’ils pensent du style 🙂

      1. Bien sûr, ce questionnaire est une proposition et peut tout à fait être enrichi. C’est vrai que les questions de style sont importantes aussi !
        Le délai de tout ça est effectivement quelque chose qui m’intrigue pas mal depuis que j’ai découvert ce process, à moins d’avoir des bêtas hyper réactifs ça peut facilement s’étaler sur plusieurs mois…

    2. Merci pour cet article ! Il faudra que je mette à jour mon article sur la bêta-lecture : je mettais un lien vers sa vidéo mais tout le monde ne peut pas suivre des vidéos en anglais directement et tu as fait un excellent résumé^^.
      Je me suis pas mal inspirée de sa méthode pour ma première phase de bêta-lecture, mais en moins intensif…
      En pratique j’ai effectivement eu une dizaine de bêta-lecteurs et … ça fait beaucoup de travail ! Même en envoyant un seul questionnaire pour tout le roman, et pas en donnant un chapitre à la fois.
      Je suis en train de me poser la question des cycles aussi (je corrige après les premiers retours). Je vais peut-être faire un deuxième cycle avec moins de lecteurs, et un questionnaire plus light, mais clairement je ne me vois pas faire 4 cycles avec 10 bêtas lecteurs dans chaque^^. Mais chacun doit trouver son propre processus…
      Pour répondre à Juliette sur le style, c’est peut-être une question anglo-saxonne, mais c’est peut-être aussi parce que le style est plus difficile à juger par des lecteurs non auteurs eux-même (alors qu’ils pourront facilement dire qu’ils se sont ennuyés ou qu’ils ont trouvé tel personnage insupportable)

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    8. A reblogué ceci sur Enahïs & Bookset a ajouté:
      Je trouve cet article sur la bêta-lecture très intéressant. C’est une façon de travailler qui me tente bien, et sur laquelle je me pencherais après « Nous étions destinés ».

    9. « varier les races » ?? Sérieusement ? La formulation est, au mieux malheureuse, au pire complètement stupide ! « Nationalités » pourquoi pas, en fonction du contexte de l’histoire, mais « races » franchement… Aux dernières nouvelles on a tous la même !

      1. Formulation tout à fait nulle de ma part, je confirme. Je corrige ça tout de suite. Je ne comprends pas pourquoi j’ai écrit ça, merci de l’avoir signalé

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