Les personnages de roman, comme les personnes réelles, ont des besoins. La structure narrative du roman va d’ailleurs souvent s’articuler autour de la quête de satisfaction de ces besoins. Le monstre de Frankenstein, par exemple, recherche l’acceptation et l’affection des humains. Jon Snow a besoin de défaire les Marcheurs blancs pour être en sécurité. Scarlett O’Hara refuse d’être victime de la faim et de la pauvreté, et accepte pour cela un certain nombre de sacrifices.
Les besoins sont plus puissants que les simples désirs, car ils ajoutent une dimension de nécessité qui renforce les enjeux d’une histoire. Il est donc important de bien définir les besoins de vos personnages pour donner une logique à leurs actions, un fil conducteur.
Pour cela, la pyramide de Maslow constitue un outil psychologique intéressant. Bien que la validité du modèle soit discutée par les scientifiques, celui-ci propose des concepts utiles pour déterminer les motivations de vos personnages.
Qu’est-ce que la pyramide de Maslow ?
Cette pyramide n’est pas un monument, mais une théorie élaborée par le psychologue Abraham Maslow dans les années 1940. Le principe de cette pyramide est de dire que les humains ont plusieurs catégories de besoins, qui sont d’une importance croissante.
- Niveau 1 : la batterie
- Niveau 2 : le wifi
(hihi)
Hem, reprenons.
- Niveau 1 : les besoins physiologiques, c’est-à-dire tout simplement la survie. Boire, manger, dormir, se reproduire
- Niveau 2 : la sécurité. Avoir un toit, un environnement stable, ne pas être en danger
- Niveau 3 : l’appartenance, l’affection, voire l’amour. Se sentir accepté dans la communauté
- Niveau 4 : l’estime, la réussite. Non seulement on est accepté, mais on est respecté, on inspire la confiance et la reconnaissance
- Niveau 5 : l’accomplissement de soi. S’épanouir, développer ses connaissances, trouver du sens à ce qu’on fait
En théorie, il faudrait satisfaire tous les besoins d’un niveau avant de commencer à se préoccuper des niveaux supérieurs. Par exemple, si vous mouriez de faim (niveau 1), vous seriez capable de vous humilier (niveau 4) voire de vous mettre en danger (niveau 2) pour vous nourrir. Cependant dans la réalité, on s’aperçoit que ce postulat ne fonctionne pas toujours : on peut chercher l’accomplissement en mettant de côté la sécurité (tout plaquer pour écrire des livres, au hasard), ou bien vivre en ermite et n’en avoir rien à faire d’être accepté par la communauté.
Pour vos personnages, vous devez donc bien identifier quels types de besoins il cherche à satisfaire, et les articuler intelligemment.
Quels sont les besoins de vos personnages ?
Voilà une question primordiale à vous poser ! Non seulement quels sont ces besoins, mais aussi comment votre personnage les hiérarchise. C’est important si vous souhaitez être cohérent.
Sa vie est-elle en danger ? Dans ce cas, il est peu probable qu’il soit obnubilé par sa dernière conquête.
Est-il rejeté par toute sa famille et ses amis ? Peut-être qu’il pourra trouver une consolation en s’adonnant à la peinture… mais la passion ne suffira pas forcément à compenser sa solitude. Pour lui redonner de l’équilibre, il faudrait que votre personnage trouve une nouvelle famille au sein d’une communauté d’artistes, par exemple (ou bien que ceux-ci le repoussent aussi, si vous voulez partir sur une tragédie).
Les besoins de vos personnages et leur résolution vont vous permettre de vous aider à construire l’arc dramatique de vos personnages.
Les besoins des personnages de mon roman
En relisant le premier jet mon roman Météorites, je me suis rendu compte que les actions de mon héroïne étaient illogiques : alors qu’elle sort de péripéties qui ont failli lui coûter la vie et que sa sécurité n’est pas du tout assurée, elle prend la peine de faire des mondanités et s’inquiète de faire bonne impression.
J’ai donc identifié ses 3 catégories de besoins principaux :
- Survivre / Être en sécurité et en liberté (j’ai mutualisé ces deux niveaux pour plus de simplicité)
- Se rendre utile pour gagner son indépendance
- Briller / S’accomplir
J’ai fait apparaître ces 3 besoins en colonnes dans mon plan (vous savez, celui que je construis sur Excel) et dans chaque scène, je précise comment les actions de mon héroïne l’aident à avancer vers la satisfaction de ses besoins.
C’est utile d’avoir ces 3 niveaux en tête, car même si le 3ème n’est pas un besoin urgent dès le départ, c’est une motivation qui participe à la caractérisation du personnage. Elle ne peut donc pas la perdre complètement de vue – au moins une fois qu’elle ne risque plus de mourir de faim. En revanche, le besoin d’acceptation n’est pas très présent chez elle.
Dans les premières scènes, les deux premières colonnes sont donc les plus remplies, puis je sème progressivement des miettes dans la troisième avant de la développer plus sérieusement. Mais l’histoire comporte aussi des rebondissements, et ce qui a été construit dans les deux premiers niveaux peut parfois être remis en question. L’héroïne peut tomber dans de nouvelles embûches alors qu’elle se croyait à l’abri. La progression n’est pas linéaire.
2 choses à garder en tête sur les besoins de vos personnages
Quels que soient les besoins que vous choisissez, les deux choses à retenir sont les suivantes :
- Soyez cohérent dans la façon dont vous les hiérarchisez : même si vous ne respectez pas l’ordre de la pyramide de Maslow, le besoin que vous définissez comme le plus important pour votre personnage principal doit le rester tout du long de l’histoire (ou au moins jusqu’à ce qu’il soit pleinement satisfait)
- Veillez à apporter une conclusion à chaque besoin, qu’il soit au final satisfait ou non. Ne restez pas sur des questions ouvertes, au risque de frustrer vos lecteurs
A présent que vous maîtrisiez l’art de motiver vos personnages, je vous laisse retourner à vos histoires et me concocter une intrigue passionnante autour de la quête désespérée de WiFi au fin fond d’une vallée de la Creuse 😉
Et si les questions de construction psychologique des personnages vous intéressent, je vous renvoie à mon article sur les profils MBTI pour aller plus loin.
Crédits image : Ricardo Gomez Angel on Unsplash
Je n’avais même jamais pensé que ce bon Maslow pouvait me poursuivre jusque là! Mais c’est vrai qu’à y réfléchir c’est tout aussi logique que des personnages de roman aient les mêmes besoins que de vrais personnes. C’est vrai que ça donne des pistes pour savoir si les actions des personnages sont logiques ou pas.
En tout cas encore un très bon article! :):)
Merci !
C’est utile et expliqué très clairement. Merci !
Ayant lu le titre rapidement, je me suis dit « c’est marrant comme nom de méthode… Marshmallow »… Hmm… je devrais me trouver un coin pour faire une sieste, je crois. ^^
Surtout que cette méthode est en vérité plus rigide que de la guimauve. ^^
J’aime beaucoup l’idée de rappeler les différents moteurs de motivation, mais je trouve la structure en pyramide trop strict. Déjà parce que, comme tu as pu le dire, tout le monde ne classe pas ses priorités de la même façon. Et aussi parce que, pour moi, les priorités d’un individu évoluent au cours du temps. De plus, je ne pense pas qu’un besoin doit absolument être satisfait pour passer au second plan. J’imagine que ça dépendra du caractère, mais certaines personnes sont capables de revoir leurs priorités en fonction des éléments extérieurs, par exemple. Or cela ne veut pas dire non plus que ces personnes doivent abandonner totalement cette motivation. On voit souvent les cas extrêmes, comme dans les romans initiatiques pour enfant/adolescent où, pour signifier qu’il passe à l’âge adulte, on lui fait totalement oublier sa motivation première (souvent vue comme des rêveries de gamin indignes des responsabilités d’adulte, preuve selon moi que l’on conçoit cette pyramide de façon trop rigide). Et que dire de l’exemple de l’artiste obnubilé par sa passion, si bien qu’il en oublie ses besoins physiologiques et qu’on le perçoit forcément comme un fou (parce qu’il ne respecte pas l’ordre des priorités établi) ?
Bref, j’aime bien l’idée, mais je pense que le principe de colonne, comme tu l’emploies, est plus intéressant car on peut davantage jongler entre les différentes catégories. 🙂
Oui je suis tout à fait d’accord, c’est une approche qui est très rigide et qui ne tient pas compte des subtilités et des folies de l’esprit humain. Mais c’est comme souvent dans les conseils d’écriture : un cadre de base qui sert de référence, mais dont il ne faut pas du tout hésiter à s’éloigner
Superbe idée d’article sur la psychologie des personnages ! Vraiment j’adore ton blog Astrid !
Merci c’est très gentil 🙂
Merci, ça m’a permis de voir en un seul coup d’œil une motivation d’un de mes personnages qui manquait de but. Je m’apprête à retravailler son arc, ça tombe à point!!
Super ! Contente que mon article t’a été utile 🙂
Bonjour et merci beaucoup pour cet article, instructif et comique, si si, c’est possible ! Je l’ai étudié ce Maslow, mais je n’aurais pas directement pensé à lui dans la construction des personnages et de leurs besoins. De toute façon, je suis au stade de nouvelles seulement maintenant, mais je garde ces axes en tête pour éviter de leur faire perdre la leur, à mes personnages futurs ! Belle journée à toi, Sabrina.
Merci ! Bon courage à toi aussi 🙂
Très utile. Ça m’a donné des idées pour la caractérisation de mon héroïne ! Merci
C’est un article super et très intéressant que tu nous proposes ! Je suis pressée de le mettre en pratique avec mes personnages !
Merci 😊 J’espère que ça te sera utile !
Je n’avais jamais pensé à utiliser la pyramide de Maslow pour concevoir mes personnages. C’est une excellente idée en tout cas.
Par contre, je ne pense pas avoir ta patience et de faire cela scène à scène même pour mon héroïne. Tu as un de ces courages ^^
Merci ! Et encore en ce moment je trouve que mes plans ne sont pas du tout assez détaillés au départ, que ça me pose des problèmes de structuration et que je dois reprendre beaucoup de chose à la rédaction… Je ne suis pas au bout de mes peines ^^
C’est vrai que la structure c’est capital. Je te souhaites bon courage pour tout ce travail qu’il te reste à faire ^^
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