Dans une de ses très intéressantes vidéos sur l’écriture, Léa du Bazar de l’Imaginaire parle de la tendance qu’ont souvent les auteurs à se dire qu’ils sont mauvais. Et l’un de ses conseils (à 4’17 dans la vidéo) est d’apprendre à être fier de soi quand on relit ses manuscrits, en notant tout ce qui nous plaît dedans, sans se focaliser sur les erreurs.
Je trouve cette idée très intéressante et très salutaire, parce que le syndrome de l’imposteur est une vraie plaie pour un grand nombre d’auteurs. J’ai donc essayé de l’appliquer à mon premier jet de Météorites, ce fameux roman que j’ai écrit entre le NaNoWriMo de 2015 et début 2016, puis que j’ai un peu délaissé depuis que Le Page de l’Aurore a pris toute la place dans ma tête.
Les choses dont je suis fière
Franchement, j’ai essayé ^^ Pour être honnête, j’ai noté aussi bien ce que j’aimais que ce qui était complètement raté. Et il y avait beaucoup de choses nulles. Beaucoup plus que ce que j’avais relevé en faisant la première relecture du manuscrit, un an après l’avoir écrit. Mais ce n’était pas exclusivement mauvais, et voilà ce que j’ai eu plaisir à redécouvrir :
- J’ai retrouvé des private jokes avec moi-même quand je fais des allusions cachées à La Traviata ou à Madame Bovary
- Je suis très fière des scènes autour du point de bascule à la fin de la première partie, il n’y a quasiment rien à y changer
- Mes descriptions vestimentaires font rêver (même s’il y en a trop)
- Il y a quelques phrases et descriptions qui sont franchement magnifiques
- Un de mes personnages s’exprime parfois en alexandrins et ça rend vraiment pas mal
- J’ai au moins 3 personnages dont je suis super fan ♥
- J’aime énormément mon univers mi-steampunk, mi-vénitien
- J’arrive à concilier une héroïne forte, indépendante, et une histoire d’amour
- Le plot twist à la toute fin de l’histoire me donne très envie d’écrire le tome 2 !
- Et j’ai eu de très bonnes idées d’améliorations quand j’ai fait ma première relecture il y a deux ans
Ce qu’il me reste à travailler
Tous ces bons côtés mis à part, il faut être honnête : je suis sévère avec mon premier jet, très sévère. Les commentaires que je me mets dans la marge de mon document Word sont souvent de l’ordre de : « On s’ennuie », « On s’en tape », « C’est complètement OOC » (« Out Of Character », c’est-à-dire que le personnage se comporte d’une façon incohérente avec sa personnalité), « BORING »… J’avoue que ça pousse un peu à la schizophrénie.
Pour être honnête je m’amuse beaucoup à me relire ^^Je me suis rendue compte que quasiment toute la première partie était à jeter. Parce qu’il ne s’y passe rien. C’est un cas caricatural de « j’écris une scène parce que j’ai envie de décrire des jolies choses » : des jolies tenues, des jolis décors…
Mais en termes d’action, d’intrigue ? C’est plat, ça n’avance pas. On a un peu de développement de personnage, mais pour un début de roman c’est vraiment longuet. Et la suite, d’ailleurs, reste très fastidieuse : l’histoire part dans plein de directions différentes sans que les vrais enjeux ne ressortent.
Sur les descriptions vestimentaires, par exemple, je me méfie de plus en plus des descriptions « gratuites » du type : « elle portait une charmante robe en velours blanc avec trois rangées de petits boutons » où « il avait revêtu un pourpoint de cuir brun, des gants épais, un pantalon à rayures bicolores et un gros chapeau ». Ces descriptions sont assez lourdes et, à elles seules, ont peur d’intérêt pour le lecteur : c’est surtout moi qui m’amuse à décrire mes images d’inspiration trouvées sur Pinterest.
Pour être plus légitimes, je pense que les vêtements doivent s’inscrire dans un contexte, dans une action. Remplacer le simple « elle portait une robe blanche » par « elle lissa distraitement les plis de sa robe blanche » ; « il arborait un grand col de dentelle » par « il rajusta son grand col de dentelle avant d’entrer ». Je trouve que c’est beaucoup plus fluide, ça permet de donner des informations sans étouffer le lecteur. Qu’en pensez-vous ?
Et voilà qui m’amène à mon deuxième point : relire mon premier jet en détails pour y trouver les bons côtés et les idées à garder m’a permis de l’analyser en profondeur. J’ai noté des centaines de commentaires dans Word, et en parallèle j’ai 27 pages de notes manuscrites dans mon carnet ! Tout ça me donne énormément de matière pour retravailler mon roman.
Moi qui me sentais perdue sans savoir dans quelle direction aller, j’ai maintenant une vue claire des thèmes que je veux dégager, je connais mieux mes personnages et je sais où je veux les amener.
J’ai trouvé, dans l’article « Tue tes chouchous » de Julien Hirt, une idée qui colle très bien à ce que je vis :
En règle générale, si vous êtes auteur, vous pouvez vous dire, si vous en tirez du réconfort, que le premier jet est pour vous. Il vous est destiné, il existe pour vous faire plaisir, vous et personne d’autre. Par contre, toutes les versions qui suivent sont pour les lecteurs : il vous incombe de débarrasser celles-ci de tout ce qui alourdit, obscurcit, toutes les références incompréhensibles, les moments où le narratif quitte les rails, même si, pour cela, vous devez vous faire violence.
J’ai donc commencé, enfin, à reconstruire mon plan pour de bon. Pour une fois, je n’ai pas eu recours à mon cher Excel mais je commence avec de simples post-its, en m’inspirant de la méthode trouvée dans cet article.
J’ai déjà réussi à mettre à plat la première partie, qui passera de 13 scènes à 7 et sera beaucoup plus concentrée sur les enjeux de mon héroïne. Adieu, le neveu qui ne sert à rien ; adieu aussi, hélas, la jolie soirée à l’opéra qui ne fait rien avancer. Peut-être que je trouverais moyen d’en intégrer des éléments dans le prochain tome 😉
Je suis encore très loin d’avoir un deuxième jet exploitable, mais je pense avoir maintenant toutes les armes en main pour construire une belle histoire. J’ai hâte de m’attaquer à la suite de mon plan et de voir ce qui en sortira !
Et vous, qu’est-ce qui vous rend fiers dans vos textes ? Allez-y, jetez-vous des fleurs, ça fait du bien.
Crédits image : Georgia de Lotz on Unsplash
Un travail fastidieux, qui fait sûrement mal au cœur, mais au combien nécessaire.
Bon courage !
Merci beaucoup !
Merci pour ta citation. Très heureux que mon point de vue ait pu t’être utile! Et bon courage pour ce travail astreignant!
Merci !
Lire tes articles me rassurent et m’encouragent moi même à continuer à écrire et à terminer mon premier jet. Je n’en ai jamais terminé aucun alors que j’en ai commencé au moins 10 sans jamais réfléchir à la fin.
Ça me fait très plaisir de pouvoir t’aider ! Bon courage pour en venir à bout et tiens moi au courant 😉
Il m’arrive parfois de tomber sur des pages de manuscrits à moi d’il y a longtemps. Et c’est vrai que même si je trouve certaines phrases très mal écrites, il y a des passages qui me surprennent et me semblent mieux que ce que j’écris aujourd’hui.
Aaaaah ! Je suis tellement heureuse de voir ça ! C’est une si bonne idée de le partager, en plus, ça me donne envie de faire pareil. Ecrire, c’est tellement un casse-tête que de prendre le temps de voir les choses positives (et de les partager, en plus!) ça change vraiment tout. Je vais faire pareil, je pense. (et bravo pour ton contrat d’édition, je suis tellement contente pour toi, j’espère que tu as fait une petite danse sur Taylor Swift dans ton salon!!!)
Hahaha j’ai fait une petite danse dans ma tête essentiellement mais oui je suis très très contente 😊
Et pour cette démarche de noter les choses positives, tu sais que l’idée me vient de toi à la base !
Dans ce travail fastidieux et cruel de devoir supprimer des passages ou des personnages afin d’épurer l’histoire et la rendre plus intéressante, je me suis toujours promis de ne jamais rien jeter aux oubliettes définitivement. Je conserve toujours quelque part dans un dossier ces passages modifiés et tronqués. Ça me fait trop mal de devoir tuer un personnage ou éliminer des passages sur lesquels j’ai somme toute travaillé dur et auxquels je reste tout de même attachée. Après tout, s’ils sont sortis de mon imaginaire pour être couchés une première fois sur papier, c’est parce que j’y tenais et les trouvais intéressants, pour moi, moi seule (comme le dit ton article tue les chouchou).
Alors, si un jour un roman que je partage avec les autres (publié officiellement ou pas) trouve grâce aux yeux d’un certain public, peut-être que ces passages supprimés pourraient également intéresser une partie de ces gens-là. Ainsi, en à-côté, en post-publication dudit roman, peut-être que ce serait pertinent d’offrir ces passages (gratuitement) -sous forme de brouillon ou d’appendices, soit sur un site ou sur un blog- bref de les rendre public et accessible pour les quelques lecteurs que ça pourrait intéresser. Parce que si toi tu aimes les belles descriptions de vêtements détaillés et ouvragés, par exemple, je suis convaincue que y en a des tas d’autres sur la planète qui adorent ça aussi.
Avec cette idée en tête, je me sens alors moins coupable et réticente quand vient le moment de couper une description trop longue ou d’éliminer un personnage qui n’est pas pertinent. Parce que je sais que d’une manière ou d’une autre, tout ça ne sera pas du travail perdu définitivement. Comme ça, mon boulot d’édition se fait plus rapidement, plus efficacement, la tête légère, sans arrière-goût amer.
Bon, ceci dit, y en a pour qui ça cause aucun problème d’éliminer des paragraphes entiers et devoir renoncer à des idées. Moi dans mon cas, ça fait partie des facteurs qui m’empêchent d’avancer un projet et de le mener à terme. Parce que je piétine, je m’obstine, je ne veux rien couper, je cherche à tout prix un moyen de tout garder sans que le récit en soit alourdit et au bout du compte, j’avance à rien.
Je pense vraiment que le temps passé entre l’écriture et la correction joue beaucoup. Ces textes que j’ai écrit il y a trois ans, j’ai l’impression qu’ils remontent extrêmement loin, que ce n’est presque pas moi qui les ai écrits. C’est pour ça que je n’y suis plus attachée et que je peux les couper sans amertume (même si, je te rassure, je garde trace de toutes les anciennes versions)
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