Je n’avais jamais entendu parler d’Edith Wharton avant que son roman Le temps de l’innocence ne me soit suggéré dans la fameuse liste des 100 livres à lire dans sa vie. Romancière américaine née en 1862, elle a publié ce roman en 1920, qui lui a valu d’être la première femme à remporter le prix Pulitzer de la littérature !
De quoi parle Le temps de l’innocence ?
Le héros se situe dans les années 1870 et le héros, Newland Archer (tout comme Edith Wharton elle-même) appartient à la haute société new-yorkaise. Newland ne jure que par le « bon ton » et se plie sans discuter à toutes les traditions de son milieu extrêmement codé : les réceptions, les invités, les impairs à ne pas commettre, quand arriver à l’opéra et quand en repartir, où passer l’été et son voyage de noces, etc. (Gossip Girl avant l’heure !). Sa fiancée, la charmante et gracieuse May Welland, en est à tous égards un pur produit. Elle est parfaitement innocente, respectable, pleine de bonté. A la rigueur, Newland trouve juste que son entourage manque d’intérêt pour les milieux intellectuels.
Mais alors qu’ils s’apprêtent à officialiser leurs fiançailles, la cousine de May revient à New-York avec un parfum de léger scandale : la comtesse Ellen Olenska a quitté l’Europe et son mari volage. Encouragé à la protéger pour sauver l’honneur de sa future belle-famille, Newland se rapproche d’elle et découvre au contact de cette belle jeune femme, originale et curieuse, que la vie peut avoir une toute nouvelle saveur.
Impression générale
J’ai beaucoup aimé ce roman. D’abord, parce qu’il évoque un milieu que je connais extrêmement mal : tout ce que je connais des Etats-Unis dans la deuxième moitié du XIXème siècle est lié à la Guerre de Sécession, or ce roman ce situe plus tard et ne la mentionne jamais. C’est intéressant de découvrir cette société américaine qui s’efforce tant de reproduire les traditions de la vieille Europe, en y ajoutant une couche de puritanisme. Ça m’a aussi rappelé quelques souvenirs de Downton Abbey pour toutes ces règles inamovibles, comme ce qui concerne la façon de s’habiller pour dîner (même si dans Downton Abbey la grand-mère américaine est plus délurée que Lady Violet Crawley).
Le style m’a fait penser à une sorte de Jane Austen américain, avec son ironie mordante pour critiquer la bonne société – et comme j’aime beaucoup Jane Austen, ça n’était pas pour me déplaire.
« May sortit d’un de ses silences rêveurs auxquels Archer avait prêté une signification mystérieuse, avant que six mois d’intimité conjugale ne lui en eussent démontré le vide. »
« Personne dans le milieu des Mingott ne pouvait comprendre pourquoi Amy Sillerton s’était si patiemment soumise aux excentricités d’un mari qui remplissait la maison d’hommes aux cheveux longs, de femmes aux cheveux courts, et qui emmenait sa femme faire des fouilles dans le Yucatan au lieu d’aller à Paris ou en Italie »
Je serais curieuse de savoir comment le livre a été reçu à l’époque de sa publication.
Enfin, au-delà de l’ironie, j’ai trouvé que ce style recelait également de vrais petits bijoux et de jolies métaphores :
« Ils avaient beaucoup à se dire, et pourtant les paroles qu’ils prononçaient n’étaient souvent que l’accompagnement d’un merveilleux solo de silence ».
« Elle notait chaque craquement nouveau à la surface de la société, chaque plante intruse qui cherchait à pousser entre les carrés réguliers des gros légumes mondains ».
Ce que « Le temps de l’innocence » m’apprend sur l’écriture
(Petite innovation dans mes chroniques 😉)
J’ai été ravie en découvrant cette histoire car elle va m’être très utile pour mon prochain roman Météorites ! En effet, dans la première partie, mon héroïne évolue dans une société tout aussi rigide et codifiée, où elle s’efforce d’évoluer vers les meilleurs cercles de la société. Je situe cette partie dans une atmosphère inspirée d’un mélange entre XVIIIème et XIXème siècle, donc un peu plus tôt que l’intrigue du Temps de l’innocence, mais on est quand même bien dans l’esprit. Ça va me permettre de donner à mes descriptions un accent plus réaliste, grâce à des informations extrêmement utiles sur l’usage à faire d’une sortie-de-bal, ou sur la taille et l’agencement idéal d’une salle de réception ^^
« A une époque où il devenait « province » d’étendre une toile à danser sur le tapis du salon et de transporter le mobilier de l’étage supérieur, une salle de bal, réservée à ce seul usage, fermée pendant trois cent soixante-quatre jours de l’année, avec ses chaises dorées rangées contre les murs et son lustre emprisonné dans une housse de tarlatane, constituait une incontestable supériorité et rachetait ce que le passé des Beaufort pouvait avoir eu de regrettable. »
J’aimerais aussi m’inspirer du ton utilisé pour faire comprendre que mon héroïne se sert des codes de son milieu mais que, comme Newland Archer, elle est aussi lucide sur leur ridicule et leur excès. Je trouve très élégant d’arriver à faire passer ce type de messages à travers le style, sans les formuler explicitement.
Note finale
4/5.
Je ne m’attendais à rien en abordant ce roman, et ça a vraiment été une bonne surprise, jusqu’à la fin. C’est une histoire assez paisible, riche en émotions sans aller non plus dans l’excès comme Frankenstein, avec des personnages qui restent en mémoire et sont souvent plus complexes qu’on ne le pense d’abord.
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Merci pour cet article ! Ca fait un moment que je n’ai pas lu de classique (j’essaie d’alterner les genres), et celui là a l’air d’être le genre qui me plairait… Je le rajoute à ma liste de lecture !
Il m’a vraiment plu, je le recommande 🙂
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