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Lu récemment : « Le cœur cousu », poésie tragique à la pointe de l’aiguille

    Figurant dans ma liste des 100 livres à lire dans sa vie, Le cœur cousu est un roman sur lequel les fées des prix littéraires se sont abondamment penchées à sa sortie en 2007 : Prix Renaudot des lycéens, Prix Ulysse, Prix Emmanuel-Roblès, Prix Ouest-France / Étonnants Voyageurs, Premier prix du Festival du Premier Roman de Chambéry, Prix Découverte Prince Pierre de Monaco, Bourse Thyde Monnier, Prix des lycéens de Monaco.

    Personnellement, j’ai trouvé cette lecture impressionnante, mais aussi très éprouvante.


    De quoi parle Le cœur cousu ?

    L’histoire est celle de Frasquita, une jeune femme vivant dans un village espagnol coupé du monde vers la fin du XIXème siècle. Dans sa jeunesse, Frasquita reçoit de façon mystérieuse une boîte pleine de splendides fils de couleurs et devient une couturière exceptionnelle. Suite à son mariage, elle donne naissance à 5 enfants et mène une vie à peu près tranquille, mais son mari perd l’essentiel de leurs possessions dans des combats de coq. Frasquita part alors sur les routes avec ses enfants.

    Impression générale

    Humpf. Je ne sais pas trop quoi penser de ce livre. Une fois encore, j’ai l’impression d’être passée à côté de quelque chose.

    Commençons déjà par dire qu’il y a des choses magnifiques : le style est superbe, très travaillé. Les descriptions des talents de couture de Frasquita sont très évocatrices et laissent rêveur.

    Frasquita finit par maîtriser les points coupés, les fils tirés, le lacis, la dentelle, elle joua avec les vides et les pleins, travailla les jours, feuilleta les matières. Elle parvint à faire apparaître en crevé, sous des bandes complètement couvertes de borderies blanches, des doublures de satin aux blancheurs nouvelles.

    Frasquita fit jaillir une splendide corolle de drap blanc de la petite robe grise. La découpe, les broderies, les ajouts de tissu transcendèrent ce torchon, témoin d’un siècle d’épousailles consommées.

    Il y a beaucoup de personnages féminins dont certains m’ont bien plu, comme Lucia la prostituée au grand cœur, et les deux accoucheuses Maria et Blanca.


    Ce que j’ai moins aimé dans Le cœur cousu

    Mais à côté de ça, je n’ai pas compris où allait l’histoire. Frasquita n’a pas d’objectif à atteindre, on suit ses actions successives comme si on naviguait à l’aveugle, sans la moindre idée d’où tout ça nous emmène. Le personnage est attachant, mais c’est un peu difficile de s’intéresser à ce qui lui arrive puisqu’il n’y a pas vraiment d’enjeu.

    De plus, le roman joue avec la frontière entre le réel et l’imaginaire et un certain nombre d’événements sont difficiles à comprendre. Parmi les enfants de Frasquita, l’une des petites filles brille dans le noir. Pourquoi ? Va savoir… Autre exemple : à un moment, José, le mari de Frasquita, perd un peu la raison et passe quasiment deux ans dans son poulailler à se prendre pour un coq. Puis il redevient normal. Mais qu’est-ce que cet épisode a apporté à l’histoire ? Au final, pas grand-chose.

    En dépit de la présence importante de personnages féminins, la société qui est décrite est marquée par des traditions extrêmement dures envers les femmes, et plus d’un passage m’a vraiment choquée.

    « Pense à la grande Lucia qu’on couche dans tous les buissons, qu’elle le veuille ou non, tout ça parce qu’on l’a vue se retourner pendant la messe vers celui auquel on l’avait promis. Tu crois qu’il lui a pardonné, son joli cœur, il la renverse quand il la croise, mais il en a marié une autre. »

    Tout ce passage n’est qu’un gigantesque WTF

    Je sais que l’objectif est justement de dénoncer cette étroitesse d’esprit, mais ce n’est que suggéré, aucun des personnages ne se révolte activement contre ce qu’il se passe, ce qui met encore plus mal à l’aise. Sans parler du passage pédophilie… Quelle horreur. Je voudrais effacer ces mots de ma mémoire au fer rouge. Pourquoi écrire ça ? Qui veut lire ça, bon sang ?

    Enfin, la dimension très poétique du style nuit aussi à la compréhension. Certains passages sont très beaux et bien construits, mais complètement abstraits.

    Ensuite, l’espace démesuré et le temps pelotonné, pas de commencement. Un point unique tenant l’infinité des mondes ensemble. Un point reliant nos tissus de chairs et de mots. Un point, un nœud à défaire pour que la vie soit.

    Wait, what?

    Ou alors je suis une personne terriblement terre-à-terre.


    Note finale

    3/5

    Grille d'évaluation : 3/5

    Malgré la beauté du style, l’absence de véritable intrigue a rendu cette lecture un peu fastidieuse, j’avais hâte d’en venir à bout.

    Si vous vous sentez l’âme plus poétique que moi, vous pouvez trouver un exemplaire d’occasion de ce livre sur le site Momox (ce lien est un lien affilié, ce qui signifie que si vous achetez le livre, je toucherai une petite commission sur le prix de vente – sans que ça vous coûte un seul centime, je vous rassure).

    0 commentaire pour “Lu récemment : « Le cœur cousu », poésie tragique à la pointe de l’aiguille”

    1. J’avoue que je ne comprends pas trop ton point de vue sur la fin, ou alors ce que j’en comprends c’est qu’il ne faut écrire que sur ce qui flatte et non ce qui blesse ? Dans la vie, qui se révolte sans filtre ni écran ? Qui se révolte quand c’est la révoltée qui prend ? Parfois la vie ne punie pas ceux qui devraient l’être. Je trouve au contraire qu’elle est nécessaire cette écriture sans fard, que la poésie adoucit parfois, ou rend encore plus cruelle. C’est au lecteur, ensuite, d’apprendre, de ressentir, et de se révolter hors du livre quand il lit ces mots dans sa réalité.
      Je crois que l’importance de ce roman c’est que c’est un conte. Il demande d’être lu avec la simple capacité de s’émerveiller de mots et images qu’elles soient belles ou terribles (l’émerveillement comporte une part d’effroi après tout), pas nécessairement de comprendre empiriquement pourquoi et comment.
      Enfin, c’est ma pensée. Moi j’ai mille fois adoré ce livre 🙂

      1. Alors, je comprends tout à fait ton point de vue et ça ne m’étonne pas que tu aies aimé le livre 😉 Quand je donne mon avis je ne veux pas dire que ce n’est pas bien ou mal écrit, pas du tout, c’est juste que moi ça ne me parle pas. Je n’arrive pas à rentrer dedans, je ne suis pas assez sensible à la poésie. Je ne m’attendais pas à lire un roman aussi dur, avec autant de violence, ce n’est pas ce que j’aime lire. Bien sûr, il m’arrive d’apprécier des histoires sombres, mais là c’était trop explicite, trop cru.
        Mais tant mieux si ce roman a su toucher un public et s’il y a des lecteurs et lectrices qui ont été révoltés de façon « positive » en le lisant. Moi, ça m’a rebutée.

        1. C’est certain qu’on ne cherche pas tous la même chose quand on ouvre un livre. Autrement ça serait triste, on n’aurait rien à se dire ! 😉

      2. C’est un débat très intéressant que vous avez lancé ! En soi, je suis d’accord qu’il faut parler des sujets difficiles, dénoncer les situations qui doivent l’être, etc, parce que c’est aussi comme ça qu’on fait progresser la société (je suis persuadée que les arts aux sens large sont le meilleur instrument pour faire changer les mentalités sur beaucoup de sujets).
        Mais d’un point de vue personnel, je suis beaucoup trop empathique, et ça peut rendre l’expérience extrêmement désagréable pour moi. Ta description au départ m’avait donné envie de lire le livre mais finalement je vais peut-être éviter. Je me dis parfois que c’est de la lâcheté d’éviter les livres et les films « difficiles » mais d’un autre côté, s’il faut que j’engloutisse trois tablettes de chocolat et 4h de vidéos de chatons pour m’en remettre, peut-être qu’il vaut mieux que je m’abstienne^^.
        (Je suis aussi une grande curieuse, et une curieuse qui aime la broderie, je ne sais pas qui de la prudence ou la curiosité va remporter la bataille…)

        1. Je pense qu’on fonctionne pareil 😊 Tu peux essayer de lire le début, qui parle beaucoup de broderie et démarre plutôt en douceur. Tu verras si tu accroches assez pour affronter la suite

      3. Ce livre m’a énormément plu aussi, mais je conçois tout à fait que cette écriture très mystérieuse et imagée — qui cultive volontairement le flou dans les scènes que tu cites, entre autres — ne soit pas du goût de tout le monde. Il en faut pour toutes les préférences 🙂 Elle joue clairement sur la frontière réel, rêve, cauchemar, on est d’accord, et j’ai une amie qui comme toi a été très perturbée par ça, et par la question obsédante de la vérité et du mensonge dans l’écriture. Pour ma part j’ai reçu ça comme un onirisme inquiétant, presque à la limite du conte ou du fantastique. Et ce « flou » ne nous secoue que d’autant plus dans les passages particulièrement crus que tu évoques et qui sont en effet pléthore das ce roman. Enfin je suis d’accord avec toi, autant le début reste pas mal dans le rêve et les couleurs de la broderie, autant à partir de la moitié du roman, il y a une violence qui s’installe véritablement et déracine Frasquita et ses enfants, les secoue sans cesse. Mais c’est à limage d’une époque et ça ne m’a pas dérangé, tant le style arrive à porter tout ça.

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