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Faut-il s’isoler pour écrire ?

    Faut-il être seul, voire solitaire, pour écrire un livre ? A-t-on forcément besoin de s’isoler, de rechercher le calme, de se mettre à l’écart des autres, voire de la société ? Ou bien peut-on envisager une écriture plus communautaire ?

    Je vous propose d’explorer les différentes formes d’isolement possibles et de voir lesquelles seraient souhaitables (ou non) selon le type d’auteur ou d’autrice que vous êtes.

    S'isoler pour écrire

    Se couper des distractions

    J’ai tendance à recommander de suivre un conseil célèbre de Stephen King : écrire avec la porte fermée. C’est-à-dire, idéalement, s’isoler dans une pièce dédiée et calme, s’arranger pour ne pas être interrompu(e), mettre son téléphone en silencieux, voire utiliser des applications qui bloquent nos écrans ou coupent carrément la connexion internet.

    C’est en tout cas la façon de faire qui fonctionne bien pour moi. Quand j’écris, je déteste être déconcentrée et tirée de mes réflexions – d’ailleurs, je demande pardon aux personnes qui se sont pris mon agressivité en pleine tête alors qu’elles venaient gentiment me dire bonjour.

    Il me semble donc qu’il est généralement préférable d’éviter d’être distrait(e) pendant qu’on travaille sur son roman.

    Cependant, tous les auteurs ne sont pas stimulés par le même environnement.

    Certains vont rechercher un silence complet, d’autres des sons d’ambiance ou de la musique instrumentale, d’autres encore des chansons pop, voire l’ambiance animée d’un lieu public ou la télévision allumée à côté. C’est une question de préférence et d’habitudes personnelles.


    Rester ouvert-e à l’inspiration et aux retours

    Se nourrir d’influences extérieures

    S’il paraît donc important de s’isoler un minimum quand on s’attelle à la rédaction de son roman, je pense que c’est tout le contraire dans la phase qui précède. Pour trouver l’idée d’une histoire à écrire, la plupart des auteurs s’inspirent de ce qui les entoure. Ça peut être leur propre quotidien, la mésaventure d’un collègue, l’état de leur société, l’avenir qu’ils pressentent et redoutent, le passé qui les fascine…

    Les autres histoires qu’on « consomme » sont aussi un précieux terreau d’inspiration : livres, films, séries, jeux vidéo, pièces de théâtre, ballets… Au-delà de fournir des idées d’histoires, ces autres œuvres peuvent aussi aiguiller l’auteur sur la forme de son récit – en particulier en ce qui concerne la lecture.

    Certains auteurs évitent de lire pour ne pas « polluer leur style » en imitant trop les autres écrivains. C’est une approche que j’ai beaucoup de peine à comprendre. Au-delà du fait que j’ai du mal à imaginer une vie sans lecture, il me semble que lire un panel d’auteurs et de genres littéraires différents devrait au contraire permettre :

    • D’éviter de plagier les rares styles qu’on connaît en en découvrant d’autres
    • De mélanger les sources d’influence
    • Et surtout, d’aiguiser son propre style en analysant les textes qu’on aime (ou ceux qu’on n’aime pas) pour comprendre les effets produits par tel ou tel paragraphe, phrase ou mot.

    Quel message ces auteurs envoient-ils à leurs propres lecteurs ? « Lire des livres, bof, on s’en passe ? ». Je suis perplexe.

    À la limite, toutefois, je peux comprendre qu’on fasse une pause de lecture sur les genres dans lequels on écrit soi-même, surtout si on en a lu beaucoup par le passé, pour éviter de trop se comparer aux autres ou de reproduire certains clichés. Mais bon, quand même.

    Chercher des retours sur ses textes

    Quand il parle d' »écrire avec la porte fermée », Stephen King évoque en particulier la rédaction du premier jet du récit.

    Pour la phase des corrections, il conseille au contraire d’« ouvrir la porte » pour accueillir les retours extérieurs – et je ne peux qu’être d’accord avec lui sur ce point. Faire relire son texte par un ou plusieurs bêta-lecteurs avant de le publier (si vous ne savez pas ce qu’est un bêta-lecteur, cliquez ici) est un étape indispensable de l’écriture. On pourrait même le voir comme une forme de courtoisie élémentaire de l’auteur envers ses futurs lecteurs (sans parler des corrections d’orthographe et de grammaire).

    Et je ne pense pas que ce soit réservé aux auteurs débutants, au contraire. Avoir un avis objectif sur son propre texte est extrêmement difficile, on a beaucoup trop le nez dedans. De plus, seul un lecteur extérieur, qui ne connaît de l’univers et de l’intrigue que ce que le récit en révèle, pourra déterminer si les informations données sont claires et compréhensibles.

    En matière de corrections, l’isolement me semble donc à bannir tout à fait.

    Se faire accompagner au fil de l’écriture

    N’en déplaise à Stephen King, je trouve même de plus en plus souhaitable de parler de son projet de roman dès les premières phases d’écriture. Car parfois, les bêta-lecteurs arrivent trop tard : l’intrigue est bourrée d’incohérences, les personnages fades, le tout plus indigeste qu’un gratin de parpaings.

    Les corrections ne sont pas impossibles dans ces cas-là, mais elles demandent des réécritures longues et fastidieuses – et je parle d’expérience, puisque ça m’est déjà arrivé. Plusieurs fois.

    Il peut être plus efficace de se faire accompagner tout au long de l’écriture, pour tester son pitch, son synopsis, ses premiers chapitres… Bref, s’assurer d’aller dans la bonne direction. Et gagner un temps précieux.

    L’accompagnement est aussi une façon efficace de se motiver et de se discipliner : avoir une personne à qui rendre des comptes, c’est un bon antidote à la procrastination !

    La personne qui vous relit et qui vous guide peut être un ami enthousiaste, un alpha-lecteur (je ferai un article à ce sujet prochainement), un éditeur si vous avez la chance d’en avoir un, un coach…

    (Ça pourrait aussi être moi, si vous cherchez quelqu’un 😉 Je propose désormais des accompagnements littéraires sous forme d’abonnement, pour pouvoir vous encourager et vous conseiller sur le long terme. Le principe est simple : tous les mois, vous me proposez un texte à analyser et on prend une heure pour en discuter ensemble. Si vous voulez en savoir plus, c’est par ici.)

    Pour une sortie encore plus assumée de l’isolement, vous pouvez même rechercher l’avis d’un groupe d’auteurs, que ce soit au travers d’un atelier d’écriture ou d’un coaching de groupe. Dans ce cas, vous décuplez le nombre de retours que vous recevez et vous vous encouragez mutuellement. L’idée est d’écrire seul, mais de réfléchir à plusieurs.

    Je n’ai encore jamais testé ce format, mais si vous avez ce type d’expérience, venez m’en parler en commentaire ! Je serais vraiment curieuse d’en savoir plus 🙂

    Écrire à plusieurs

    Un cas de figure particulier concerne les romans écrits à quatre mains, voire plus.

    Je n’ai expérimenté ce mode d’écriture que sur une fanfiction restée inachevée, mais j’en garde un bon souvenir. Il demande naturellement une bonne connaissance et une grande confiance mutuelle entre les auteurs. Les façons de faire sont aussi variées que les situations. Un mode de fonctionnement assez classique consiste à se mettre d’accord ensemble sur le scénario global, puis à se répartir les chapitres ou les personnages de point de vue, à écrire chacun de son côté en se relisant mutuellement.

    Le cas le plus « extrême » est celui des séries, des films ou des jeux vidéo dont le scénario est créé par toute une équipe d’auteurs. Dans ce cas, le travail de création est, par définition, totalement ouvert aux influences et aux avis des autres.


    S’isoler du monde pour écrire ?

    Quand on imagine des artistes qui partent s’installer dans une maison abandonnée en Provence, avec un grand atelier au calme pour écrire, dessiner, peindre, créer… On sent souvent une pointe de jalousie.

    Surtout quand on compare ça à notre quotidien rempli d’exigences, qu’il s’agisse du travail, de la vie de famille, des transports, des tâches ménagères, etc. Il n’est pas toujours facile de trouver le temps d’écrire quand on a une vie bien remplie en parallèle. Et la perspective d’une retraite dédiée à l’écriture fait rêver plus d’un auteur.

    Pourtant, se couper totalement du monde pendant des mois n’est pas forcément souhaitable. D’une part, parce qu’on se sent un peu seul à la longue. Et d’autre part, parce que les contraintes de temps sont parfois l’aiguillon dont notre créativité a besoin.

    C’est la thèse que la romancière Elizabeth Gilbert défend dans son livre Comme par magie (dont je vous parle plus en détail ici). Quand on a tout le temps du monde devant soi, il peut être plus facile de se laisser aller à la procrastination. Après tout, on pourra bien s’y mettre plus tard ! Alors que si chaque minute d’écriture doit être grapillée, on aura tendance à en essayer d’en tirer le maximum.

    Pour aller dans le sens de cette thèse, il est vrai que les artistes les plus renommés ont rarement démarré leur carrière comme des rentiers à l’existence délivrée de toute contrainte.

    Ceci étant dit, je peux témoigner que le mois de congé que je m’étais accordé en 2017, en le dédiant intégralement à l’écriture, reste un merveilleux souvenir et une expérience que j’aimerais beaucoup reproduire.

    Et je dois dire que le rêve de créer un jour une résidence d’auteurs qui serait aussi un mélange d’école d’écriture, de salon geek, de Poudlard et d’Institut des X-Men est le moteur de ma motivation au quotidien 😉 Mais si on réunit un tas d’écrivains ensemble, est-ce qu’on peut encore parler d’isolement ?


    Chaque auteur et chaque autrice a son propre mode de fonctionnement et, sur la question de s’isoler pour écrire comme sur bien d’autres, il n’y a pas de réponse absolue. Si cet article vous a plu, dites-moi comment vous préférez écrire : porte fermée ou porte ouverte ?

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