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Exercice d’écriture : 5 genres littéraires

    La sortie du Page de l’Aurore a malheureusement dû être un peu retardée et je ne peux toujours pas vous annoncer de date de sortie – même si, je vous assure, on s’en rapproche !

    Pour vous faire patienter, je voudrais vous partager quelques petits textes écrits dans le cadre d’un exercice organisé avec des amies autrices. L’objectif était de sortir de nos habitudes d’écriture et de renforcer notre style. Le premier exercice a consisté à écrire 5 textes dans 5 genres différents.

    Voici quelle était la consigne :

    « Écrivez environ 300 mots sur le thème suivant : Un train entre en gare. Puis, reprenez ce texte en changeant de genre. Écrivez-le 5 fois au total. »

    Cet exercice date de l’an dernier, mais je m’étais beaucoup amusée à le réaliser. Voici quelles ont été mes réponses.

    Exercice d'écriture : tester différents genres littéraires


    Ecrire une scène en 5 genres littéraires

    Ecrire du Steampunk

    La locomotive arriva en poussant de grands soupirs de vapeur. Les rayons du soleil levant jetaient des reflets chauds sur ses parois de fer et ses rivets de cuivre, et les cliquetis de la machinerie se mêlaient au hululement grave du sifflet. Sur le quai, l’approche du train causa une vive animation parmi les voyageurs. Une femme vêtue de brun et coiffée d’un petit chapeau à voilette hissa sur chacun de ses bras ses gros sacs en tapisserie. Une autre tenait une ombrelle assortie à sa robe de soie et, tandis que deux valets se démenaient derrière elle avec de larges valises, porta à ses lèvres une main gantée de dentelle noire pour étouffer sa toux. La vapeur du train répandait désormais dans la gare un brouillard de fumée blanche et l’on n’y voyait plus à vingt pas.

    Enfin, avec un dernier long sifflement, la locomotive atteignit son but et la puissante machinerie qui activait ses roues s’interrompit. Dans un concert de claquements uniformes, les portes vitrées s’ouvrirent et déglutirent quelques dizaines de passagers aux vêtements froissés et à l’air las. Descendant avec précaution sur le marchepied, ils poussaient des soupirs de soulagement en retrouvant l’air libre et la terre ferme. Que c’était épuisant, ces infinies trépidations !

    La femme en robe de soie croisa celle aux sacs en tapisserie sans la regarder, chacune s’orientant vers sa classe de compartiments en tâchant d’ignorer que les autres existaient. Dans les wagons de première, les bronzes des poignées et des lanternes rutilaient et les confortables banquettes en velours bleu avaient été brossées avec soin. En troisième, c’était autre chose. D’étroits sièges en bois, rudes et trop raides, étaient tout ce à quoi les voyageurs moins fortunés avaient droit. Mais la compagnie tenait à sa réputation. Tout était propre comme un sou neuf.


    Ecrire  de la Romance

    Le panneau d’informations indiquait un léger retard. À cette heure de la matinée, la gare était quasiment déserte. Quelques hommes en tenue de travail se tenaient sur le quai, avec le regard morne, mais résigné, de ceux qui n’ont jamais tout à fait assez d’heures de sommeil. Amorphes, ils semblaient dormir debout.

    Alfred, lui, ne tenait pas en place. Il faisait les cent pas le long du quai en se frottant les mains nerveusement et jetait à chaque instant un regard impatient vers l’horizon, là où les rails disparaissaient dans un virage, là où son train devait apparaître d’un instant à l’autre. Sophia serait-elle à bord ? Avait-elle osé, enfin, quitter son insupportable mari et prendre le train de nuit pour le rejoindre ? Alfred avait déjà eu de faux espoirs et tremblait d’être à nouveau déçu, mais chaque fois qu’il imaginait le visage de Sophia à la fenêtre du compartiment, son cœur bondissait d’allégresse.

    Enfin, une voix monocorde annonça l’arrivée du train. Alfred se figea et ses yeux ne quittèrent plus les rails. Quelques insupportables dizaines de secondes s’écoulèrent encore et, miracle !, la locomotive apparut. L’engin avait beau avoir vingt ans d’âge et une peinture écaillée, jamais Alfred n’avait été si ému par son approche. Les hommes présents sur le quai relevèrent mollement la tête tandis que le train grandissait sous leurs yeux. Le cœur d’Alfred battait si fort qu’il croyait sentir sa chemise se soulever. La locomotive passa devant lui, puis le premier wagon, le deuxième, le troisième… Les fenêtres défilaient trop vite pour en voir les occupants. Peu à peu, le train ralentit et s’immobilisa. Les portes s’ouvrirent et quelques voyageurs descendirent en portant tant bien que mal leurs grosses valises. Alfred regardait de tous côtés, éperdu, inquiet.

    Il entendit une voix merveilleuse.

    — Alfred !


    Ecrire une Autobiographie

    C’était le même scénario chaque mercredi soir. Réserver le taxi, rejoindre la gare de […], faire rouler sa valise jusqu’au quai et attendre que le train daigne arriver de […]. Vers la fin du semestre, j’avais obtenu le droit de prendre le direct de 19h04, celui où il fait encore jour à l’heure du départ et où on peut espérer rentrer chez soi avant 22h – le grand luxe. Arrivant toujours en avance comme à mon habitude, ces dernières minutes d’attente à contempler les immeubles laids qui côtoient la gare étaient interminables. Rien à faire. Pas même la possibilité de sortir un livre de mon sac si je voulais me montrer polie à l’égard du manager qui attendait avec moi. Cela dit, lui ne se gênait pas pour griller une cigarette puante et consulter ses mails sur son Blackberry pendant ce temps-là. J’aurais peut-être pu me permettre un peu plus de fantaisie.

    Quand le train finissait par arriver, c’était le branle-bas de combat pour se positionner exactement là où la porte du wagon allait s’ouvrir. On voyait les habitués se jeter des regards mauvais en jouant des coudes. Ensuite, il fallait repérer rapidement sa place – qui, les bonnes semaines, était isolée et à l’étage – pour y poser ses affaires le plus vite possible et se ruer vers le wagon-bar avant que tous les autres passagers n’aient la même idée. Sinon, c’était minimum trente minutes d’attente pour mériter son menu Boco. Les employés de la SNCF, malgré leur sympathie, ne sont pas réputés pour leur efficacité.

    Notre butin en main, on pouvait retourner à nos places pour terminer un document à-envoyer-impérativement-demain ou, si la chance voulait qu’il n’y ait pas d’urgence, déguster sans enthousiasme l’éternel plat trop gras et son dessert trop sucré.

    À quoi tient l’excitation d’une soirée.


    Ecrire un Thriller

    « Soyez à 13h45 gare Montparnasse, sur le quai n°7, repère T. Vous aurez vos réponses. », avait dit le message qu’il avait trouvé dans la poche de son pardessus, la veille. Le petit papier, couvert d’une écriture banale, ne lui avait apporté aucune information sur son expéditeur. Aucune garantie que le rendez-vous ne le mettrait pas en danger. Pourtant, il était 13h43 et monsieur Cophin se tenait sur le quai n°7, repère T, en se traitant mentalement de vieux fou. C’est qu’il y tenait vraiment, à ces réponses. Pourquoi avait-on tant cherché à le dissuader de terminer son rapport ? Et pourquoi son fils ne répondait-il plus au téléphone depuis trois jours ?

    « Le TER n°7241 à destination de Montfort-l’Amaury, départ 13h53, va entrer en gare voie 7. Eloignez-vous de la bordure du quai, s’il vous plaît. » dit la voix charmante et désincarnée de la SNCF.

    Le TER n°7241 arriva sans hâte, avec ses parois tagguées, ses lumières artificielles et ses sièges au revêtement usé. Il était vide, prêt à accueillir les passagers. Monsieur Cophin ne bougea pas. Il avait relevé le col de son pardessus et rabattu des mèches de cheveux blancs devant ses yeux. Les usagers habituels de la gare passaient devant lui d’un pas pressé et entraient dans les rames sans lui accorder un regard, mais ce n’était pas eux qui l’inquiétaient. Il sentait qu’on le surveillait. C’était comme dans les films américains qu’on voyait à la télévision. Etudiant la foule d’un regard nerveux, il se demandait à quoi pouvait se reconnaître un espion ou un tueur à gages.

    Mais il ne vit pas l’homme qui exerça soudain une pression dans son dos et murmura à son oreille d’une voix menaçante :

    « Montez. Là, en face de vous. Pas de geste brusque. »


    Ecrire du Cyberpunk

    ─ Noo, arrête un peu de jouer avec ce photoscrit ! On va bientôt arriver.

    ─ Mmh.

    ─ Noo, qu’est-ce que je viens de dire ? Regarde-moi quand je te parle.

    ─ Mais m’man, je suis en pleine partie !

    ─ Ne discute pas et donne-moi ça.

    ─ M’man ! Rends-le moi ! C’est pas juste !

    ─ On arrive, je te dis. Descends ton bandeau.

    Grincheuse, l’adolescente fit glisser sur ses yeux la bande chatoyante qui avait coiffé ses cheveux. L’environnement du Très Rapide Appareil à Impulsions de Navigation – ou « train », comme son arrière-arrière-grand-père s’acharnait encore à l’appeler – disparut aussitôt pour lui livrer la vision d’un jeune homme aux cheveux bleus plaqués en arrière. Noo rougit. C’était cet acteur de publicité qu’elle aimait bien. Le garçon lui adressa un regard irrésistible.

    ─ Alors, jolie Noo, où est-ce que tu t’en vas comme ça ?

    Sa voix sensuelle avait quelque chose d’hypnotisant. Noo avait l’habitude. Elle n’avait qu’à se laisser aller.

    ─ Je pars en vacances. On va au bord du Lac.

    ─ Vraiment ? Hum… Tu as de la chance. Tu iras au parc de jeux et lumières et tu y achèteras cent crédits de jeu. Ça te fera plaisir.

    ─ Oui.

    ─ En arrivant à la gare, tu prendras une cannette de Plit. C’est la boisson que tu préfères.

    ─ Bien sûr.

    ─ Merci, Noo. Passe une bonne journée.

    Le T.R.A.I.N. passa soudainement de sa vitesse de croisière à un arrêt complet et Noo ôta son bandeau. Dans la capsule voisine, sa mère ajustait sa combinaison et lui fit signe de se préparer à descendre. Noo trouva sur son siège le bouton de sortie. Un instant plus tard, elle atterrit sous la grande arche de la gare du Lac.

    Elle eut soudain envie de Plit.


    Réflexions sur l’exercice d’écriture

    J’avais trouvé cet exercice extrêmement intéressant en le faisant, et redécouvrir ces textes l’autre jour a renforcé ce sentiment. J’ai tellement l’habitude de n’écrire que de la fantasy ou du steampunk que j’avoue avoir eu du mal au départ à trouver des idées d’autres genres littéraires ! Heureusement, Wikipédia était là pour m’aider.

    300 mots, ça représente un gros drabble (si vous ne savez pas ce qu’est un drabble, vous pouvez lire mon article sur le sujet), c’était plus long à écrire que ce à quoi je m’attendais. Surtout en 5 exemplaires. Mais c’est une longueur intéressante car elle permet vraiment d’ébaucher une histoire

    Les deux premiers genres m’étaient assez familiers (une bonne partie de mes vieilles fanfictions évoquent des histoires de cœur). L’autobiographie n’était pas trop un challenge non plus. Mais pour les 2 suivants… la découverte était totale ! Je n’étais pas forcément à l’aise, mais c’était très amusant de tester. J’étais déjà satisfaite d’avoir réussi à imaginer des choses. Une chose est sûre, c’est que je n’aurais sans doute pas pris moi-même l’initiative d’essayer d’écrire des romans dans des genres différents. Cet exercice m’en a un peu donné envie.

    Je me suis rendue compte seulement en écrivant le 3ème texte que je variais les points de vue et les types d’histoires. Je les ai écrits assez rapidement et de façon plutôt instinctive. Finalement, je me suis un peu éloignée de l’exercice car plus j’écrivais, moins je parlais de l’arrivée du train en gare

    Ce qui m’a plu aussi dans ce travail, c’est le fait que chaque texte soit court et requière assez peu d’investissement. J’y étais donc moins attachée qu’à mes gros mastodontes de romans, je me suis autorisée à prendre davantage de libertés et ça a délié ma créativité. Avec ce genre d’exercice, on doit juste imaginer une scène, une situation, sans se mettre la pression de « je dois tenir mon lecteur en haleine pendant 300 pages avec cette intrigue ». Et pourtant en faisant l’effort de rendre cette situation intéressante, on construit quelque chose qui est plein de potentiel. Pour moi qui m’inquiète souvent d’avoir peu de nouvelles idées d’histoires à écrire, j’en avais 5 d’un coup !


    Je suis sortie de cette expérience convaincue que les exercices d’écriture pouvaient me faire un bien fou. Difficile, en revanche, de trouver du temps et de la « disponibilité mentale » à y consacrer quand on a déjà l’écriture d’un roman sur les bras… Est-ce qu’il vous arrive d’en faire ? Quels exercices avez-vous testés ? Comment est-ce que vous vous y prenez ?

    PS : Si vous souhaitez perfectionner votre maîtrise du style littéraire, à travers des exemples et des exercices concrets pour produire le meilleur effet possible sur vos lecteurs, ma formation « Formules magiques : 10 jours pour mettre au point votre style » pourra vous intéresser.

    Crédits image : Roman Mager on Unsplash

    7 commentaires sur “Exercice d’écriture : 5 genres littéraires”

    1. Retour de ping : Tous mes articles – L'Astre et la Plume

    2. Exercice d’écriture très sympa, qui pousse à aller chercher quelque chose de la substance de chaque genre. J’aime beaucoup les 5, ils apportent tous un éclairage différent de la même scène, comme si finalement, ce n’était que ça, le genre : un focus. Je me suis aussi fait la réflexion que la posture de tes personnages change pas mal d’un texte à l’autre. A chaque fois, ils semblent porter le genre auquel ils sont censés appartenir, c’est très intéressant.

      Pour répondre à ta question, je faisais pas mal d’exercices de ce genre à une époque, mais beaucoup moins maintenant. Je préfère consacrer le peu de temps que j’ai à mon roman.

      1. Merci ! J’avoue que de mon côté aussi, je suis un peu obnubilée par mon roman en cours pour faire autre chose … c’est dommage, mais difficile de s’organiser autrement quand on veut avancer.

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